La culture palliative, une culture absente dans un grand nombre d’hôpitaux

Publié le 9 Oct, 2012

A l’heure où la mission de réflexion sur la fin de vie s’apprête à rendre un rapport pour la fin de l’année 2012, le quotidien La Croix effectue un état des lieux de la prise en charge de la fin de vie dans les hôpitaux.
Selon un rapport portant sur "la mort à l’hôpital", publié en novembre 2009 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), "la prise en charge de la mort ne fait pas partie des missions reconnues de l’hôpital. Pour les acteurs hospitaliers, la mort est vécue comme une incongruité, un échec et, à ce titre, largement occultée. Cette situation est préjudiciable au confort des malades en fin de vie et à l’accueil ainsi qu’à la santé publique". Un an plutôt, en 2008, une étude "Maho" effectuée dans 613 services de médecine, réanimation, gériatrie, urgences, chirurgie et soins palliatifs, dirigée par le Dr Edouard Ferrand, responsable de l’équipe mobile de soins palliatifs de l’hôpital Foch Suresnes, révélait que "parmi les infirmières, seulement le tiers (35%) avait jugé ‘acceptable’ les circonstances des décès dans leurs services". En outre, "sur 3793 patients, seuls 24% avaient un proche à leur côté au moment de la mort, et 12% avaient bénéficié d’une consultation de soins palliatifs". Ainsi, effectuant un bilan sur l’ensemble des travaux qui ont pu être menés dans ce même domaine, le Dr Edouard Ferrand indique qu’ils "vont tous dans le même sens pour souligner l’absence parfois quasi-totale, de culture palliative dans un grand nombre d’hôpitaux".

S’interrogeant alors afin de savoir "pourquoi l’hôpital est […] si mal préparé à la mort", l’IGAS précise que "la mort y ‘reste un tabou’ " et qu’ "à l’exception des réanimateurs ou des responsables de soins palliatifs qui la fréquente tous les jours (…), le personnel hospitalier, et notamment médical, la vit comme un échec : il souhaite rarement s’appesantir ou communiquer sur le sujet". A ce constat, le Dr Edouard Ferrand ajoute que la loi Leonneti de 2005 sur la fin de vie est méconnue. En effet, selon une étude à paraître qu’il a effectuée auprès de 1000 réanimateurs, "moins de 20% d’entre eux [en] connaissent les principaux points […], en particulier sur la nécessaire collégialité des décisions face aux situations de fin de vie".
Pour sa part, le Dr Régis Aubry, président de l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV), "s’interroge sur la ‘surmédicalisation’ de la mort" et précise qu’ "en France, on meurt beaucoup à l’hôpital, davantage que dans d’autres pays du reste de l’Europe […]". Pour le Dr Régis Aubry, la justification à ce constat serait la suivante : "depuis l’après-guerre, on a assisté à des progrès médicaux fantastiques et je crois que notre société à un peu ‘fantasmé’ sur le pouvoir de cette médecine à qui, peu à peu, on a laissé le soin de gérer la question de la fin de vie". Il ajoute : "j’ai parfois le sentiment que, collectivement, nous nous sommes débarrassés de cette question en nous reposant sur l’hôpital où la médecine reste très technoscientifique et peu préparée à faire face à accompagner la mort ".

Enfin, le rapport de l’IGAS de 2009 mettait en évidence que "la place des proches des personnes en fin de vie était ‘rarement perçue comme un enjeu majeur’ ". Ainsi, pour le Dr Edouard Ferrand, si l’étude "Maho" révèle qu’en 2008, "sur 3793 malades décédés à l’hôpital seulement 24% avaient un proche à leurs côtés au moment de leur mort", il s’avère que "ce chiffre ne reflète en rien une indifférence des familles". En effet, pour le Dr Edouard Ferrand cela est "davantage le signe du manque d’anticipation que l’on voit encore trop souvent à l’hôpital. Beaucoup de décès sont prévisibles, l’échéance est certaine. Et pourtant, on prévient les familles trop tard ".
En pratique, l’IGAS précise que "le moment à partir duquel les proches sont admis à déroger aux règles de visites est laissé à l’entière discrétion du service : cela peut être limité aux derniers moments du malade (une à deux journées) ou s’étendre à la totalité de la période de fin de vie". L’IGAS ajoute que "d’un service à l’autre, la place faite à la famille ou à l’entourage variait considérablement selon qu’elle était considérée comme un intervenant légitime ou, au contraire, comme une gêne dans la marche normale du service".
Pour le Dr Edouard Ferrand, cependant, "il y a eu beaucoup de progrès dans l’accueil des proches ces dernières années". Le Dr Marion Dalloue, responsable des soins palliatifs au CHU d’Amien partage le même avis et précise : "il y a eu une réelle prise de conscience sur l’implication des familles. Le problème est que, dans les services ayant une grosse activité, il faut arriver à concilier le temps d’une fin de vie avec celui de tous les soins délivrés aux autres patients".

La Croix (Pierre Bienvault) 10/10/12

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