IVG dans la Constitution : une « liberté » ne peut pas être subie

Publié le 2 Nov, 2023

Dimanche 29 octobre, Emmanuel Macron a annoncé sur X (ex-Twitter) un projet de loi inscrivant dans la Constitution « la liberté des femmes de recourir à l’IVG ». Il veut ainsi faire de l’accès à l’IVG une « liberté irréversible ». Pour Nicolas Bauer, chercheur associé au European Centre for Law and Justice (ECLJ), cet objectif est illusoire.

En réalité, aucune norme votée ou promulguée par des hommes ne sera jamais irréversible. Comme toute norme juridique, les Constitutions peuvent devenir obsolètes. Depuis la Constitution de 1791, la France a changé près d’une vingtaine de fois de Constitution. Celle de la Ve République a été modifiée par presque tous les présidents. Ajouter l’IVG correspondrait à la vingt-cinquième révision constitutionnelle depuis 1958. Des expériences étrangères témoignent également de la fragilité de toute norme constitutionnelle. Ainsi, la Constitution de la Yougoslavie, qui incluait un « droit à l’IVG », a disparu avec le socialisme (cf. « Aucun État n’a inscrit un droit à l’IVG dans sa Constitution, sauf l’ex-Yougoslavie »).

Pression sociale et contraintes économiques

Si la « liberté » de l’IVG restera toujours « réversible », c’est aussi parce qu’elle s’oppose à la réalité et à l’expérience. Une liberté peut être exercée, mais ne peut pas être subie. Or, l’IVG est majoritairement subie. De nombreuses études qui démontrent ce fait sont rassemblées dans l’ouvrage collectif Droit et prévention de l’avortement en Europe (Les Éditions Hospitalières, 2016). Selon l’Institut Guttmacher, 75 % des femmes qui ont eu recours à l’avortement indiquent y avoir été poussées par des contraintes sociales ou économiques. D’autres statistiques officielles confirment cette même réalité en France : c’est la pauvreté et l’isolement qui déterminent la décision d’avorter.

Dans un reportage diffusé en octobre sur la chaîne KTO, des femmes témoignent de leur IVG (cf. « Le deuil caché » : un documentaire pour libérer la parole des femmes ayant vécu une IVG). Charlène, qui a avorté à 26 ans, a été emmenée au Planning familial par son compagnon et raconte comment elle y a été reçue. La représentante du Planning familial « est allée dans le sens de mon compagnon de l’époque. Quand je lui parlais de mon bébé, elle disait “ce n’est pas un bébé”. Je lui disais que je ne voulais pas avorter, elle a répondu “on va prendre un rendez-vous quand même avec l’anesthésiste, puis avec le gynécologue”. J’ai avancé comme sur un tapis roulant, on ne m’a jamais parlé de solutions alternatives, d’aides financières, d’associations d’aide aux jeunes mamans en difficulté. J’ai l’impression que mon consentement a été extorqué. Je m’en veux de ne pas avoir défendu mon bébé » (cf. « Deuil caché » : « une réhabilitation de la souffrance » des femmes qui ont avorté).

Ce témoignage sur la « liberté d’avorter » n’est pas isolé. Emmanuel Macron affirme pourtant s’inspirer du travail du Planning familial pour son projet de loi constitutionnelle. Il s’agit de « libérer » les femmes malgré elles et contre elles, en leur imposant l’avortement.

 

Cette tribune de Nicolas Bauer a été initialement publiée dans Valeurs actuelles. Elle est reproduite ici avec l’accord de l’auteur.

Photo : iStock

Nicolas Bauer

Nicolas Bauer

Expert

Nicolas Bauer est chercheur associé à l’ECLJ et doctorant en droit.

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