Infertilité : trop d’impatience

Publié le 18 Juin, 2004

La Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a rendu publique hier une étude sur la prescription d’inducteurs d’ovulation, médicaments qui visent à provoquer une ovulation chez la femme. La Cnam s’est penchée sur le citrate de clomifène, l’indicateur le plus largement prescrit en France sous forme de Clomid ou de Pergotime. Près de 312 000 boîtes ont été vendues en 2002.

L‘étude de la Cnam a été menée entre mars et juin 2002 sur 728 femmes de la région Midi-Pyrénées âgées de 16 à 50 ans et traitées avec du citrate de clomifène.

Cette étude montre un recours de plus en plus prématuré aux traitements contre l’infertilité et un manque de respect des conditions de délivrance définies par l’Afssaps (agence française du médicament).
Le diagnostic d’hypofertilité est posé après un an de rapports sexuels sans conception et celui d’infécondité après deux ans. Ces situations concernent 10 % des couples en moyenne.

D‘après cette étude, on constate que 23% des femmes ont eu un traitement avant 12 mois d’attente de début de grossesse et 58 % avant 2 ans. Avant tout traitement, le médecin doit effectuer un bilan préalable qui représente jusqu’à 8 examens. L’étude révèle que les patientes ont fait en moyenne 3,6 examens et que 7% n’en ont fait aucun. Seulement 30 % des femmes ont subi un dosage hormonal de base qui permet d’identifier un déficit ovarien et 33% un contrôle de l’utérus et des trompes. Une fois sur 5 l’origine de la stérilité est masculine, pour autant seuls 37,5 % des hommes ont pratiqué un spermogramme. 39 % des cas d’infertilité sont des causes mixtes.

Quelle explication apporter à cette précipitation constatée aux traitements contre l’infertilité ? Le sociologue Jean-Marc Salmon, chargé des entretiens dans le cadre de cette étude, répond : "Tous les gynécologues sont d’accord pour dire qu’il s’agit du "revers de la pilule". Les femmes pensent qu’elles ont un contrôle sur le corps et comprennent mal pourquoi, lorsqu’elles arrêtent leur contraception, elles n’ont pas d’enfant très vite. Résultat : elles sont prêtes à médicaliser aussi l’acte de procréation". Le sociologue souligne également la méconnaissance des femmes vis à vis de leurs cycles physiologiques (période d’ovulation, courbes des températures,…) et le stress qu’induit "l’immédiateté" du désir d’enfant, "tout, tout de suite".

Par ailleurs, Nicole Mamelle, directrice de recherche à l’Inserm et présidente de l’Audipog, rappelle les risques encourus par les traitements contre l’infertilité notamment la forte probabilité d’avoir une grossesse multiple (7 fois plus avec traitement) et donc une naissance prématurée (10 fois plus).

La Croix (Pierre Bienvault) 18/06/04 – Le Monde (Sandrine Blanchard) 18/06/04 – Le Figaro (Martine Perez) 18/06/04 – Le Quotidien du Médecin (Renée Carton) 22/06/03

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