La Croix consacre un article à l’encyclique de Paul VI, Humanae Vitae, sur le mariage et la régulation des naissances, parue il y a 40 ans, le 28 juillet 1968. Le journal La Croix donne la parole à un panel de catholiques dont les plus accueillants à l’égard d’Humanae Vitae considèrent quand même que "le texte n’est peut-être pas suffisamment nuancé", à l’instar de François de Nuizon, engagé dans l’organisation de sessions pour les couples de la communauté du Chemin-Neuf.
Pour les catholiques interviewés par le quotidien, Humanae Vitae "n’est pas dans la réalité des couples d’aujourd’hui", selon l’expression de Marie-Solange Justin, permanente de la communauté Fondacio. Pour Bénédicte Maufrais, formée au Cler et aujourd’hui conseillère conjugale, "soit ce texte est passé au-dessus de la tête des catholiques, soit il a engendré une culpabilité terrible, et rien de bon ne sort de la culpabilisation". Diacre et délégué à la pastorale familiale dans le diocèse de Clermont, Michel Chabanel estime que l’"on peut très bien respecter la femme tout en pratiquant les moyens de contraception". Ancien administrateur de l’Association nationale des conseillers conjugaux et familiaux (ANCCEF), Claude Héraut va plus loin, considérant que l’argumentaire de Paul VI "est difficilement crédible" et que "le texte ne voit pas du tout l’importance de la communion sexuelle, de l’épanouissement et du plaisir physique". Ces personnes estiment qu’il faudrait revenir sur Humanae Vitae.
Le quotidien s’intéresse également aux catholiques argentins qui "se tiennent à distance" d’Humanae Vitae et interviewe une avocate et conseillère de la "coordination de la loi de santé sexuelle et de procréation responsable", Perla Prigoshin, pour qui "la conséquence de la position de l’Eglise sur la contraception est qu’il se pratique 500 000 avortements par an en Argentine". [NDLR : il faut rappeler que l’avortement est interdit en Argentine et que les propos tenus par cette femme militante pro-avortement rappellent tristement l’utilisation de données déformées à outrance pour obtenir gain de cause. En 1975, lors du débat sur la légalisation de l’avortement en France, certains allaient jusqu’à affirmer la pratique de 2,5 millions d’avortements clandestins par an… Il n’était pas rare de lire qu’il y en avait 200 000 par an. Ces chiffres ont été corrigés par l’INED qui a annoncé finalement 50 à 60 000 avortements clandestins chaque année avant la légalisation. Cette même méthode a été employée aux Etats-Unis dans les années 70 et plus récemment au Mexique par exemple.]
Archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail des évêques sur la bioéthique, Mgr d’Ornellas répond à ces propos en rappelant que l’Eglise a d’une part la légitimité pour aborder ces sujets et d’autre part qu’elle "parle de façon prophétique en indiquant dans l’humain un au-delà de l’homme" : "L’Eglise n’interdit rien à personne. (…) Quand l’Eglise prononce une négation, c’est parce qu’elle voit un point d’ombre qui ne rejoint pas toute la beauté de l’humain. (…) Elle montre le chemin de la sainteté, c’est-à-dire de la pleine humanité". Humanae Vitae souligne le "lien indissoluble" qui existe entre procréation et union et l’Eglise doit faire entendre "cette grandeur inouïe de l’amour entre l’homme et la femme dont toute la signification est dévoilée dans l’acte conjugal". Enfin, pour Mgr d’Ornellas, cette encyclique, qui n’a nullement besoin d’être revue et corrigée, est un jalon essentiel pour la réflexion sur les questions de bioéthique notamment : "nombre de questions (…) nous ramènent à ce centre de l’existence [la rencontre conjugale entre l’homme et la femme, NDLR]". Rappelons que le pape Benoît XVI a redit, en mai dernier, toute "l’actualité" d’Humanae Vitae.
Doyen de la faculté de théologie de l’Institut catholique de Paris, le Père Philippe Bordeyne, explique qu’Humanae Vitae est arrivée trois années seulement après Gaudium et Spes et que "l’épineux discours sur la régulation des naissances a fait occulter un texte qui était encore plus fondamental, plus neuf, prônant une paternité et une maternité responsable". Il regrette que la majorité des catholiques n’ait pas lu cette encyclique qui fait plus qu’aborder la seule question de la régulation des naissances et par laquelle on trouve "un chemin de vérité, une forme d’écologie de l’amour". Sœur Véronique Margron, doyenne de la faculté de théologie d’Angers, dit elle aussi qu’"il faut relégitimer le fait qu’elle [l’Eglise, NDLR] parle de sexualité", "non pour se mettre à la place des consciences (…) mais pour les éclairer et offrir la profondeur de sa réflexion".
[NDLR : Il est intéressant de rappeler que, quand La Croix se fait la tribune des catholiques mal à l’aise avec Humanae Vitae – sans qu’un seul couple catholique qui vit selon les conseils d’Humanae Vitae ne soit interrogé -, Libération, le 25 mai dernier, dans son article consacré à cette même encyclique, parlait d’encyclique "prophétique" (cf. Synthèse de presse du 25/04/08)…]
La Croix (Elodie Maurot, François-Xavier Maigre, Nicolas Senèze, Angelina Montoya) 25/07/08