Handicap et génétique

Publié le 6 Avr, 2001

 Le bimestriel « Etre handicap information » s’inquiète au nom des personnes handicapées des dernières positions prises par le CCNE et l’engouement de certains chercheurs sur la recherche génétique en faveur d’un dépistage anténatal de plus en plus sélectif.

 

En effet, James Watson, généticien et co-découvreur de la molécule d’ADN, déclarait dans The Prospect (magazine britannique sur le Handicap) : « dans les dix ou vingt prochaines années, si la génétique est utilisée comme il faut, il y aura moins d’enfants nés avec de graves handicaps ». Ce qui inquiète Jean-Luc Simon, président du groupement français des personnes handicapées (GFPH) : « derrière toutes ces recherches en génétique, une tendance médico sociale à vouloir éradiquer le handicap est perceptible et, par extension, nie l’existence de millions de personnes ». Marie Thérèse Huillier, sourde, déléguée de la fédération nationale des sourds de France (FNSF) prévient qu’« il faut rester vigilant quant à l’application des recherches en génétique car elles peuvent, à terme, représenter un danger pour nos communautés handicapées au niveau des droits de l’Homme ».

 

Ces deux dernières années, le débat bioéthique a pris une nouvelle dimension avec les avancées dans le domaine génétique. La population sourde, entre autres, s’en inquiète notamment depuis la mise en place l’an dernier, à l’Institut Pasteur, du test de la Connexine 26 qui permet de dépister certaines surdités d’origine génétique. Elle craint une sélection génétique anténatale.

 

Même si aujourd’hui, il est possible pour des parents de demander un diagnostic prénatal de surdité, le risque d’avortement thérapeutique semble pour l’instant écarté en France. Axel Kahn, généticien membre du CCNE expose clairement que « toute personne, handicapée ou non, a une dignité absolue, qu’elle soit sourde, trisomique ou autre. L’avortement thérapeutique ne peut être justifié qu‘en tant que possibilité laissée aux parents qui ne se voient pas en mesure de permettre à leurs enfants des conditions de vie acceptables et d’accéder au plein épanouissement ; (…) ce qui n’est pas le cas d’enfants sourds ou malentendants ».

 

Jacques Testar, biologiste et directeur de l’Inserm, va plus loin : « l’idée que l’on pourrait procéder à des avortements thérapeutiques d’enfants sourds ne concerne pas que les parents et le médecin. Cela implique toutes les personnes sourdes, et au-delà, toutes les personnes handicapées. Dans cette situation on peut se demander si, au lieu de systématiquement vouloir travailler sur les gènes, il ne faudrait pas plutôt développer et cultiver au niveau social la tolérance, le goût de la différence et même la recherche de cette différence car il n’y a pas de culture qui naisse avec des gens identiques ». 

 

Par ailleurs Axel Kahn met le doigt sur une particularité des sourds de se sentir appartenir à une culture, à un patrimoine et à une langue à part qu’ils souhaitent voir préserver et respecter, « c’est extraordinaire d’arriver à transformer un handicap en une particularité culturelle. Cela illustre parfaitement les possibilités cognitives du cerveau humain et de la vicariance (se dit d’un organe, d’une fonction qui supplée l’insuffisance d’un autre organe, d’une autre fonction). C’est un hymne à la possibilité humaine ».

 

La question finale est de savoir comment concilier éthiquement les volontés de recherche médicale et génétique avec celles visant à la reconnaissance et à l’affirmation des droits de l’Homme des personnes handicapées. A quoi Axel Kahn répond : « ces deux volontés ne sont pas antinomiques. Les droits de l’homme ne sont pas basés sur l’ignorance. La connaissance génétique ne les remet pas en cause, et en particulier le premier d’entre eux : le droit à la liberté ».

Etre handicap Information avril/mai/juin 2001

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