Un couple homosexuel québécois, Jacques et Louis, s’est rendu en Inde pour passer un contrat avec une mère porteuse, en dépit du Code Civil de leur pays d’origine qui condamne tout contrat où une femme s’engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d’autrui en échange de rétribution. Un tel contrat est considéré comme « nul de nullité absolue ».
Deux jumelles sont nées après insémination avec le don de sperme de Jacques, le père biologique. Après la naissance, la mère porteuse signe « une déclaration assermentée, dans laquelle elle mentionne qu’elle remet les deux petites filles à leur père biologique, et qu’elle n’a pas d’objection à ce qu’il quitte l’Inde avec les enfants (…) Plus tard, elle affirmera être aussi en accord avec le fait que Louis adopte légalement les fillettes ».
En 2013, le couple entame les démarches pour que Louis puisse adopter légalement les deux petites filles. Mais la procureure générale du Québec s’oppose à l’adoption, déclarant que Jacques et Louis avaient délibérément contourné la loi québécoise, jugeant que « plusieurs clauses du contrat de gestation sont abusives et contraires à nos principes juridiques et à l’ordre public». Elle ajoute que Jacques et Louis ont «porté atteinte à la dignité humaine, à l’instrumentalisation du corps de la femme et à la marchandisation de l’enfant».
Après trois ans de procédure, le juge Viviane Primeau, de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse [1], en a jugé autrement. Elle convient qu’on peut «s’interroger sur l’aspect moral et éthique du commerce entourant les contrats de gestation en Inde», mais qu’il ne lui appartient pas de sanctionner la conduite des parties.
Dans l’intérêt des fillettes, elle accorde leur placement auprès du couple en vue d’une adoption légale. Elle estime que « le débat entourant la question des mères porteuses ne doit pas se faire aux dépens des enfants ici concernées ».
Le juge Primeau souligne également « qu’il serait souhaitable que le législateur clarifie les règles en matière de filiation des enfants nés d’une procréation assistée ».
[1] La Cour du Québec, chambre de la jeunesse, est un tribunal de première instance dont la décision est susceptible d’appel si le procureur général du Québec en décide ainsi.
La Presse.ca, Isabelle Mathieu (27/07/2016)