C’est à l’occasion de la journée internationale de la femme, le 8 mars 2015, que se tenait le premier “forum international pour l’abolition de la gestation pour autrui” (GPA) au Palais Brongniart à Paris. En une après-midi, une quinzaine d’intervenants, juristes, philosophes, psychologues, réalisateurs…, se sont succédés devant un amphithéatre comble, pour dénoncer la réalité de la “gestation par autrui” et appeler à tout mettre en oeuvre pour l’interdire en France et dans le monde.
La France et l’Union européenne, favorables à la GPA
C’est Adeline Le Gouvello, avocate de l’association “Juriste pour l’enfance”, qui amorce la réflexion. après avoir rappelé que la GPA est interdite en France, elle alerte sur un état de fait : malgré l’interdiction, les pratiques de GPA en France existent et ont l’assentiment du gouvernement. Celle-ci est formelle: “en France, la GPA dispose de tous les attributs de la légalité” pour plusieurs raisons. D’abord parce que pour tout enfant né par GPA à l’étranger et commandité par des français obtient la nationalité de façon automatique dès qu’il a passé 5 ans sur le territoire français. Ensuite, parce que la France, ne condamne pas les fraudes à la loi de ces couples de français qui commandent un enfant par GPA à l’étranger, et que le gouvernement français lui-même refuse de renforcer les peines pénales encourues pour une GPA (proposition de loi de M. Leonetti rejetée). Enfin, parce que la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît la filiation des enfants nés par GPA à l’étranger au couple de français.
Sur ce dernier point, Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ , analyse les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Décisions après décisions elle accepte la GPA en Europe (cf. synthèse de presse bioéthique du 16 février 2015). Bien que la jurispreudence européenne soit très favorable à la GPA, il insiste sur le fait que les juges de la Cour sont divisés sur le sujet, et qu’il est toujours possible de renverser la tendance actuelle.
la GPA une réalité dévastatrice pour la mère porteuse et pour l’enfant
Le film de Jennifer Lahl, infirmière pédiatrique et réalisatrice du film “Breeders: a subclass of woman“, renvoie directement à la réalité de la GPA par le biais de témoignages de mère porteuse et d’enfant né de mère porteuse. Elle explique que le grand public ne connait pas la réalité de la GPA, et que ce film a vocation à la faire connaître. “Beaucoup changent d’avis après ce film, sur la vente d’ovocyte et la GPA” explique-t-elle.
Pour les femmes, Jennifer Lahl s’attache à rappeler que la GPA donne lieu à de multiples risques et souffrances: grossesses gémélaires très élevées, hypertension arterielle et éclampsie… Le séjour à l’hôpital est plus long, et plus coûteux. Et la séparation précoce entre la mère porteuse et l’enfant est particulièrement difficile à vivre.
Anne Schaub, psychologue, poursuit sur le “traumatisme de la conception” dont les enfants nés par PMA ou GPA peuvent souffrir. Elle rappelle que “la période de la gestation est cruciale pour le développement cognitif et psychologique du petit enfant”. “Le lien d’attachement avec sa mère qui le porte est très prégnant”, et le petit enfant qui dispose d’une “carte mémoire (l’amygdale du cerveau) enregistre tout plusieurs semaines avant sa naissance” développe-t-elle. Si bien que la mère qui le porte est “la base de sécurité de l’enfant“, et la rupture avec elle peut entrainer une “dépression chez les nouveaux nés” un “sentiment de ne plus exister“. Elle clame l’évidence : “Un bébé ne peut pas ne pas s’attacher […] le séparer, le détacher à la naissance est une rupture traumatique majeure“.
GPA et prostitution, même cause, même effet ?
C’est Jean-Marc Oswald, de l’association aux captifs la libération qui risquera la comparaison. Il évoque le “morcellement contradictoire avec l’unité de la personne humaine”. Les personnes qui se prostituent, doivent s’obliger à séparer leur esprit de leur corps pour avoir un rapport sexuel avec une personne qu’elle n’ont pas choisie. Tout comme dans la GPA, où la liberté de disposer de son corps “fait place à une exploitation inique du corps” et impose de ne pas s’attacher à l’enfant qu’on a porté. La cause pour lui est claire : l’appât de l’argent, l’endettement. C’est en générale “la raison principale qui fait que les personnes ont accepté” la prostitution. C’est là aussi un point commun avec la GPA.
L’utérus artificiel, l’après GPA
Marianne Durano, philosophe, et co-auteur du livre No limites, voit un après GPA. Après avoir étudié les fondements féministes de la GPA “mon corps m’appartient […] mon corps est un instrument de travail”, elle dénonce l’effet domino des techniques de procréations : “les techniques de reproduction artificielle permettent de résoudre des problèmes qu’on aurait jamais eu sans elles”. Et plus il y a de nouvelles techniques, plus il y a de nouveaux problèmes. Si bien, qu’après les GPA, dont on connait les écueils, se profile l’utérus artificiel. La GPA, est pour elle le cheval de Troie du transhumanisme. Car alors l’objectif sera atteint : “quand l’humain ne sera plus né d’une femme on pourra engendrer l’humanité que l’on voudra”.
Les moyens de contrer la GPA
En conclusion, Ludovine de la Rochère, présidente de la Manif pour tous, détaille plusieurs moyens d’actions pour oeuvrer à l’interdiction de cette pratique en France et dans le monde:
– Elle appelle les citoyens à signer la pétition no Maternity Traffic qui sera remise au Conseil de l’Europe en Juin 2015.
– Elle évoque la création d’un observatoire de la GPA et du transhumanisme.
– Elle annonce le dépôt d’une proposition de loi, par la députée Valérie Boyer, visant à ériger la GPA comme un délit spécial, assorti de peines renforcées. Cette proposition de loi “inclue aussi l’obligation de préparer une convention internationale d’interdiction”.