Dépistage pré-implantatoire, dépistage prénatal et augmentation de l’homme étaient au cœur de ce débat du Forum Européen de Bioéthique. Divers intervenants : Marie Jo Thiel, directrice du CEERE à l’université de Strasbourg et membre la commission européenne de bioéthique, Catherine Rongières et René Frydman présentés comme « médecins de la reproduction », et Jean Louis Mandel, généticien et anciennement responsable d’un centre de dépistage prénatal, sur un sujet qui a fait réagir le public.
« Améliorer l’homme grâce à CRISPR, je n’y crois pas », a déclaré d’emblée Jean-Louis Mandel. CRISPR permet de modifier le génome de n’importe quel organisme vivant, et son utilisation est controversée chez l’homme. Pour ce généticien, modifier le génome d’embryons humains dans le but d’augmenter leur QI est irréalisable. Cette technique n’est « utile que dans des cas très rares », et les applications sont encore de l’ordre du potentiel précise-t-il, approuvé par René Frydman. Ce dernier ira même plus loin : « avoir un bébé à la carte, ce n’est pas possible et ce ne sera pas possible ». De plus, on ne connait pas encore toutes les conséquences de cet acte. C’est prendre un risque énorme qui ne pourrait se justifier que pour des raisons valables.
Marie-Jo Thiel a pour sa part, à plusieurs reprises alerté sur l’anxiété et la panique qui pourraient s’emparer des personnes ayant eu connaissance de leurs gènes. Or dans les cas où l’on peut prédire, mais non prévenir des maladies, « on ne gagne rien à angoisser les gens !» Elargissant le débat, elle soutient que la technique « n’est pas garante en elle-même du bonheur, de la santé, du sens de l’existence ». « Notre société est extrêmement ‘technologisée’, nous entrons insidieusement dans la société de l’augmentation. Il nous faut être vigilants ! » Sans être technophobe, il s’agit de réfléchir à la société que nous voulons construire. « Quel est notre idéal ? Acceptons-nous la différence, l’altérité, source de créativité ? Nous avons honte de notre corps fragile que nous aimerions invulnérable. Pourtant, la vulnérabilité c’est ce qui me met en contact avec autrui ».
Aujourd’hui, si je mets au monde un enfant qui « a un problème », je suis coupable aux yeux de la société. Et même l’enfant pourrait reprocher à ses parents de l’avoir mis au monde (cf. Trisomie 21 et Préjugés ). Son intervention fait réagir un papa, dont le fils est « différent » explique-t-il. Si son handicap avait été détecté avant la naissance, « nous ne l’aurions sans doute pas gardé », avoue-t-il. « Mais si l’on me proposait de reprendre à zéro, je ferai de même ! Sa présence n’est pas inutile. Acceptons la différence, c’est vital », appelle-t-il.