Forum européen de bioéthique : Repenser l’autonomie à l’aune de la vulnérabilité ?

Publié le 28 Jan, 2016

Vendredi 29 janvier, Corine Pelluchon, philosophe spécialiste de philosophie politique et d’éthique appliquée, était l’invitée du Forum Européen de Bioéthique pour aborder le thème de l’autonomie à travers la vulnérabilité : Comment penser l’autonomie d’une personne vulnérable, en cas de dépendance extrême ?

 

L’intervenante a d’abord insisté sur la nécessité de sortir d’une réflexion binaire qui mène à considérer l’autonomie comme « introuvable » chez une personne dépendante, pour « aller à la rencontre de la personne là où elle est, et non là où l’on voudrait qu’elle soit ».

 

« Même dans des situations de vulnérabilité extrême, l’autonomie reste un horizon », affirme-t-elle, mais cela nécessite de modifier en profondeur le sens que nous avons donné à l’autonomie. Si « la maladie, même chronique, change la vie », il ne faut pas la voir comme une anomalie. Au contraire, il importe de continuer à affirmer son désir de vivre, mais avec d’autres normes que celles imposées par la société, qui « rendent difficile l’acceptation des maladies, de la vieillesse, bref, de tout ce qui échappe à ma volonté ».  

 

Corine Pelluchon a proposé une démarche thérapeutique qui « prendrait au sérieux la notion de  vulnérabilité », en montrant que la fragilité peut aussi être une force. Cette démarche insisterait chez la personne malade sur « les promesses de vie demeurées intactes ». « L’erreur, c’est d’enfermer la personne dans le soin », note-t-elle.  

 

Pour elle, il faut réinvestir l’éthique du care, mais sans faire abstraction de « toutes les grandes théories classiques qui invitent à travailler sur soi ». Notre « éthique [est] trop centrée sur l’individu » et trop focalisée sur son autonomie, dans une société de compétition et d’atomisation qui se prétend altruiste. L’homme doit donc être repensé, non enfermé sur lui-même, « mais comme ayant une vie débordée par celles des autres », car « l’individu, quand il est tout, seul, finalement il ne respire pas ».

 

Pour ce faire, Corine Pelluchon invite à s’appuyer sur le corps, dont la fragilité n’est qu’une face, qui permet d’insister sur « ce qui vient avant ma conscience », de « rencontrer nécessairement l’existant » avant tout. Pour elle, l’éthique pourrait se définir comme « la place que j’accorde dans mon existence à l’existence des autres ». Mais cette éthique, ajoute-t-elle pour finir, commence par soi, car nos vies ont une épaisseur qui ne peut se réduire à nos relations.

 

A la question d’Israël Nisand qui demandait « comment appliquer le concept d’autonomie au fœtus ? », on peut regretter que Corine Pelluchon ait voulu sortir du débat sur l’être de l’embryon. Elle a cependant proposé de se pencher sur la manière dont les parents reçoivent cet être, et elle a montré que c’est aussi parce que « l’inattendu est mal vécu » dans notre société qu’il est difficile pour des parents d’accueillir un enfant malade.

 

Finalement, Corine Pelluchon a souligné la nécessité de sortir d’une certaine normativité imposée pour reconnaître l’autonomie dans une situation de vulnérabilité.

 

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