Damien Le Guay, philosophe, président du comité national d’éthique du funéraire, membre du comité scientifique de la SFAP et enseignant à l’espace éthique de l’AP-HP, est interviewé dans le Figaro Vox sur son dernier ouvrage, Le fin mot de la vie – contre le mal mourir en France (Ed. CERF).
Il réagit à propos de l’affaire de l’octogénaire qui s’est donné la mort après avoir tué sa femme à l’hôpital Ambroise-Paré (Boulogne-Billancourt). Un évènement tragique récupéré par l’ADMD pour justifier le besoin de légaliser l’euthanasie. ” Il faut toujours remettre en cause l’idée selon laquelle il y aurait d’un côté une mort «digne», celle, choisie, de l’euthanasie, et, de l’autre une mort indigne, car «subie». Il faut contester à l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) la «dignité» qu’ils revendiquent et qu’ils confisquent au détriment des autres.”
Face au constat unanime qu’“on meurt mal en France”, il écarte la piste de l’euthanasie. D’abord, en évoquant le motif “sordide” de “l’euthanasie économique” : “Il y a un an un vice-premier ministre japonais (avant de faire machine arrière) avait fait le constat que 50% des dépenses de santé de son pays intervenaient dans les dernières semaines de la vie. Ce qui est vrai au Japon l’est aussi en France.” Considérant que les coûts de santé sont collectifs, il est inévitable qu’une pression sociale s’exerce sur les personnes en fin de vie.
Ensuite, parce que derrière la demande d’euthanasie, les patients réclament le droit à interrompre leur traitement. Or ce droit, leur est déjà acquis depuis 2002.
Par ailleurs, l’euthanasie ne concernerait qu’un petit nombre de patients. “Ne faut-il pas penser au plus grand nombre, plutôt que répondre à des cas particuliers, de situations souvent très spécifiques – montées en épingles par les médias dans des «affaires» -? Là est le sens de la justice.”
Enfin, parce que les derniers instants du mourant sont précieux pour lui et son entourage.
Damien Le Guay envisage, pour améliorer les conditions des mourants, de réinterroger la pratique spécifiquement française selon laquelle 70% des personnes meurent dans des structures hospitalières. Il appelle également de ses vœux une vraie formation pour les médecins sur les questions d’accompagnement de fin de vie. Et, il invite la médecine à se retirer “quand il n’y a plus rien à faire”, à se mettre des limites, pour qu’elle laisse “toute la place aux soins spirituels, psychologiques, familiaux, affectifs, religieux”.
Figaro Vox (Eugénie Bastié) 24/11/2014