Fin de vie : « Il faut offrir une société qui privilégie la vie »

6 Avr, 2023

Alors qu’Emmanuel Macron vient d’annoncer sa volonté de présenter un projet de loi sur un « modèle français de fin de vie » avant la fin de l’été (cf. Fin de vie : La Convention citoyenne rend sa copie), le Sénat a poursuivi ses auditions sur ce sujet mercredi matin. Cette fois-ci trois juristes, Bénédicte Boyer-Bévière, Valérie Depadt, maîtres de conférences en droit privé, et Julien Jeanneney, professeur de droit public, sont intervenus sur les enjeux juridiques nationaux et internationaux du débat sur la fin de vie.

Des “exemples” étrangers

Face à la prétendue insuffisance de la loi actuelle qui ne prendrait pas en compte toutes les situations, une loi sur la fin de vie qui se fonderait sur « les valeurs essentielles d’humanité, de solidarité, d’accompagnement des plus vulnérables » et qui apporterait « des propositions de vie », pourrait être envisagée, juge Valérie Depadt. Mais, « il faut offrir une société qui privilégie la vie », « l’aide à mourir ne doit pas devenir un moyen d’éviter l’agonie » interpelle-t-elle. Le suicide assisté doit être un « ultime recours », estime la juriste, et non un droit universel, comme mentionné dans le rapport de la Convention citoyenne.

D’ailleurs, elle illustre ces propos par différentes décisions de la CEDH dont deux, les arrêts Pretty contre Royaume-Uni (cf. Pas de suicide assisté pour Diane Pretty) et Mortier contre Belgique (cf. Euthanasie : Une première condamnation de la Belgique par une juridiction internationale), dans lesquelles la Cour affirmait que l’article 2 de la Convention ne pouvait être invoqué pour revendiquer un droit à mourir.

De son côté, Julien Jeanneney présente la situation internationale en exposant le rôle des cours constitutionnelles qui peuvent consolider ou neutraliser une réforme parlementaire, voire forcer la main du législateur (cf. Italie : la Cour constitutionnelle estime licite l’euthanasie alors que la loi la punit).

Différentes propositions 

Plusieurs propositions sont exposées par les intervenants dont la sédation à « moyen terme » même si, selon Bénédicte Boyer-Bévière, « le manque de recherches sur la souffrance ressentie par les personnes endormies » pose problème. Quant à l’euthanasie et au suicide assisté, elle soutient qu’ils doivent être limités à des cas « très très exceptionnels » car ils présentent « des risques de stigmatisation sociale, professionnelle et d’auto-stigmatisation » qui pourraient fausser l’autonomie de la personne. Mais il y aurait aussi le risque de briser le colloque entre le soignant et le patient en créant un « droit de créance » à demander l’euthanasie ou le suicide assisté, souligne Valérie Depadt. Il faut trouver une situation proportionnée entre « l’apaisement apporté » et les risques tout en respectant les principes « de dignité, de solidarité, de liberté et d’égalité », déclare Bénédicte Boyer-Bévière.

Les trois juristes ne nient pas les risques de dérives. Pourtant Julien Jeanneney conclut avec une surprenante légèreté : « Faites ce que vous voulez faire à un instant précis sans trop vous poser la question des conséquences intellectuelles, idéologiques, politiques éventuelles de la loi que vous êtes en train de préparer ». Le législateur n’est-il pas comptable des textes qui intègrent le droit français ?

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