Fin de vie: des praticiens témoignent alors que les recommandations du rapport de la mission de réflexion sont en passe d’être connues

Publié le 13 Déc, 2012

 Après quatre mois de débats citoyens, d’auditions de nombreux experts et de déplacements à l’étranger en Belgique, en Suisse ou aux Pays-Bas, le Professeur Didier Sicard, président de la mission de réflexion sur la fin de vie, rendra son rapport le 18 décembre prochain. Ainsi, il aura eu quatre mois, un temps court estime-t-il, pour "tenter d’appréhender les attentes des Français en matière de fin de vie" et "faire des propositions concrètes". Outre la question du "pour" ou "contre" l’euthanasie qui, rapelle le Pr Sicard, "concerne une toute petite minorité de gens", le rapport éclaire sur d’autres enjeux tels que: "comment améliorer la fin de vie en maison de retraite? S’assurer que les souhaits des patients sont mieux respectés? Lutter contre l’obstination déraisonnable?". 

Alors que l’on s’apprête à connaître le contenu de ce rapport, des praticiens témoignent de la difficulté, en tant que médecin, de " ‘laisser partir’ leurs patients".
Ainsi, dans le quotidien Le Monde, Véronique Fournier, médecin et directrice du Centre d’éthique clinique à l’hôpital Cochin, explique que face à une demande d’euthanasie, "les médecins […] sont si désarçonnés qu’ils se braquent. On peut leur jeter la pierre, certes, mais on peut aussi tenter de les comprendre: faut-il vraiment qu’ils obtempèrent?". A ce titre, elle mentionne un article paru dans un hebdomadaire américain, The New Yorker, intitulé "letting go" ("laisser partir"). Dans cet article, l’auteur Atul Gawande, un médecin, explique qu’ "il devient de plus en plus difficile pour les médecins de ‘laisser partir’ leurs patients, même lorsque ceux-ci sont arrivés au bout de leur course" car, précise-t-il, "les gens ne veulent pas mourir". En outre, Véronique Fournier explique que si "sur l’acharnement thérapeutique, les médecins ont déjà cédé, ou du moins ont-il de la peine à ne pas le faire […]", elle précise que "sur l’euthanasie, beaucoup résistent encore". En effet, "c’est que la demande cette fois les agresse en personne, dans leur intégrité à la fois personnelle et professionnelle. Ils ne veulent pas l’entendre, elle leur fait trop violence". 

Pour Vianney Mourman, médecin responsable de l’équipe de soins palliatifs à l’hôpital Lariboisière, la plupart des patients demandent à vivre et peu demandent à mourir. A propos de l’euthanasie il précise: "donner la mort […] va contre le serment d’Hippocrate que j’ai prêté et le code de déontologie auquel je me suis soumis et auquel j’adhère. Cela renvoie à passer un interdit fondateur de notre société". Il interroge: "celle-ci peut-elle octroyer le droit de donner la mort?", alors que "les chiffres publiés par l’Institut national d’études démographiques et l’Observatoire de la fin de vie montrent que la demande de mort est rare en fin de vie". 
De même, le fait que certains sondages "estiment à 92% la proportion de Français favorables à [la] légalisation [de l’euthanasie]", interpelle Vianney Mourman sur de nombreux points: "Qui, des 92 % des Français souhaitant la légalisation de l’euthanasie, connaît la loi Leonetti relative à la fin de vie, ce qu’elle apporte comme solution pour le soulagement de ces souffrances ? Qui, parmi eux, a déjà réfléchi à ce qu’est une obstination déraisonnable ? Qui sait que la loi nous autorise et nous incite à soulager le patient en fin de vie quelles qu’en soient les conséquences en termes de risque d’abrégement de la vie ? Qui, encore, sait que le droit, pour tout patient dont l’état le requiert, à avoir accès aux soins palliatifs est bafoué à cause du manque de moyens et de formation ?". Pour Vianney Mourman, "cette loi est méconnue et, de ce fait, peu ou pas appliquée ; pourtant, elle apporte des solutions aux situations extrêmes rencontrées par les patients".
Enfin, dans l’hypothèse où l’euthanasie serait légalisée, le médecin interpelle en posant la question suivante: "qui en sera le bras armé? Le médecin?". Et d’ajouter: "les professionnels de santé ont choisi leur métier dans un espoir de guérir, de protéger la vie, et il leur reviendrait de l’abréger? Cela me paraît contradictoire". 
Par conséquent, pour Vianney Mourman, "le débat sur la légalisation de l’euthanasie est prématuré. Il introduirait un fort risque de destabiliser notre collectivité en donnant un pouvoir de vie et de mort à l’un des siens. La première urgence pour moi, consiste à donner des moyens pour améliorer la fin de vie en affirmant une volonté de notre société de soulager les souffrances". 

 La Croix (Marine Lamoureux) 15/12/12 – Le Monde (Véronique Fournier – Vianney Mourman) 14/12/12

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