Fin de vie des enfants et des adolescents : quand la mort s’invite trop vite dans la vie

Publié le 5 Déc, 2016

L’Observatoire national pour la fin de vie, désormais remplacé par le Centre national pour la fin de vie et les soins palliatifs, a publié une série de 7 rapports concernant la fin de vie des enfants et des adolescents (cf. L’ONFV publie les résultats d’une étude sur l’accompagnement en fin de vie des enfants et des adolescents).

 

Comme pour les autres rapports proposés par l’Observatoire, l’objectif de cette large étude est de faire un état des lieux pour éclairer autant que possible « les zones d’ombre ». L’enjeu consistait à montrer que la fin de vie des enfants et des adolescents est une réalité. « Une réalité qui est loin d’être anecdotique », comme le souligne le Professeur Régis Aubry, et qui, dans l’accompagnement, « peut comporter une forme de violence pour les acteurs de la santé et de souffrance ajoutée pour les proches ». De fait, cette réalité qui confronte le début et la fin de vie est douloureuse et impose de relever de nombreux défis.

 

La première surprise que révèle l’étude concerne l’ampleur du phénomène. Près de 13% ; des enfants hospitalisés sont concernés par la fin de vie et 15% pour ceux suivis en HAD[1]. « Il ne se passe pas une année sans qu’un acteur de santé soit confronté à la question de la mort au début de la vie », que ce soit dans un service de maternité[2] ou dans un service de pédiatrie.  Ces situations « confrontent des soignants aux limites de la vie et du savoir », explique le professeur Aubry.

 

Dans certains services, la confrontation aux symptômes réfractaires[3] place les soignants en situation extrême. Et, selon l’étude, le choix est habituellement fait, sous prétexte d’acharnement thérapeutique, d’arrêter les traitements et « de laisser la mort venir » : 68% des décès sont survenus suite à une décision de limitation ou d’arrêt des traitements. Le recours à la sédation intermittente ou continue est très important dans ces services : elle concerne 64% des jeunes patients. La réanimation néonatale se situe sur une ligne de crête et la question de la transgression se pose dans ces services plus qu’ailleurs. Pour le professeur Aubry, des études seraient à conduire dans ce domaine.

 

Concernant la fin de vie d’enfants handicapés et polyhandicapés, l’enquête met le doigt sur de graves lacunes. « L’accompagnement de fin de vie n’est pas inscrit dans le projet d’établissement pour 74% des établissements » et les professionnels sont peu formés et peu préparés à accompagner leurs résidents. Le professeur Aubry constate que « les liens entre les établissements médicaux-sociaux et les hôpitaux ne sont pas suffisants ». Mais sur la période de l’étude, 15% seulement des décès ont eu lieu au sein de l’établissement où l’enfant/adolescent était suivi, 60% ont eu lieu à l’hôpital. « Les enfants meurent dans un milieu qui leur est hostile. Il serait bien préférable de déplacer les compétences de la médecine vers les enfants plutôt que de déplacer les enfants dont l’angoisse est de ce fait décuplée ». Mais aujourd’hui « 45% des équipes ne se sentent pas en capacité d’assurer des accompagnements de fin de vie et 37% déclarent que l’accompagnement de fin de vie n’est pas du ressort de structures telles que la leur ».

 

L’étude met aussi en évidence les carences en formation. Il s’agit moins de formations en soins palliatifs que de formations en sciences humaines : « Comment faire quand l’impensé arrive ? Devant la mort d’un nourrisson ou d’un enfant, comment ne pas se laisser envahir par les émotions ? Comment continuer à soigner et à accompagner des parents, une fratrie, quand on est soi-même bouleversé ? Quand on ne sait plus quoi faire ? » Pour le professeur Aubry, une sensibilisation éthique s’impose. Les équipes ressources créées et mises en place en 2010, pourront jouer ce rôle en analysant les situations, en réfléchissant aux questions émergeantes et aux actes posés pour aider les équipes soignantes à faire face à leur désarroi. « En pédiatrie, la mort reste taboue. On peut avoir l’impression parfois que moins on en parle et moins ça arrive. Ce qui ne résout rien », commente Régis Aubry. « Et certaines familles accumulent des frustrations autour de situations qui n’ont pas été parlées ».

 

 

Pour accéder aux différents rapports :

. Accompagnement de fin de vie des enfants et adolescents hospitalisés à domicile

. Culture palliative dans les services de maternité : focus sur la salle de naissance

. Parcours des enfants et adolescents en fin de vie en services spécialisés d’établissements de santé

. Structures ressources en soins palliatifs et pédiatrie

. Équipes ressources régionales de soins palliatifs pédiatriques et accompagnement de fin de vie

. Accompagnement de fin de vie des enfants et adolescents polyhandicapés en établissements et services médico-sociaux

. Le regard des professionnels sur la fin de vie des enfants et adolescents à domicile

 

Photo : Pixabay/DR

 

[1] Hôpital à domicile.

[2] 83% des maternités sont confrontées annuellement à au moins une prise en charge palliative mise en place dès la salle de naissance dont 16% déclarent que ces situations sont régulières.

[3] 89% souffraient d’au moins un symptôme réfractaire avant le décès.

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