Euthanasier les animaux augmente les pensées suicidaires. Et les hommes ?

5 Jan, 2024

Une étude parue le 2 janvier dans BMC Psychiatry examine le rapport des vétérinaires à l’euthanasie, et le risque de suicide au sein de cette population [1].

Les chercheurs ont mené une étude transversale à l’échelle nationale auprès de vétérinaires norvégiens. Ils ont obtenu un taux de réponse de 75% parmi les 4 256 vétérinaires enregistrés dans le pays en mai 2020, après avoir exclu ceux ne possédant pas d’adresse en Norvège ou travaillant à l’étranger [2].

Une position vis-à-vis de l’euthanasie non spécifique, mais plus de pensées suicidaires

L’étude a montré que la position des vétérinaires vis-à-vis de l’euthanasie des personnes atteintes d’une « maladie mortelle », et dont l’espérance de vie est « courte »[3], est similaire à celle retrouvée dans la population générale [4]. Ceux travaillant essentiellement avec des animaux de compagnie étaient toutefois globalement plus favorables à l’euthanasie. Une tendance également observée chez les vétérinaires plus jeunes et célibataires.

Les chercheurs soulignent que le fait que pratiquer cinq euthanasies ou plus par semaine était associé à une augmentation de « pensées suicidaires graves » chez ces professionnels. Une fréquence 2,56 supérieure à celle observée chez ceux confrontés moins souvent à cette pratique. En revanche, pratiquer fréquemment des euthanasies d’animaux ne les rend pas plus favorables à l’euthanasie des êtres humains.

Le fait d’être célibataire, d’avoir une attitude positive à l’égard de l’euthanasie d’êtres humains et de recevoir un faible soutien de la part de collègues était également associé de manière significative à une probabilité plus élevée de « pensées suicidaires graves ».

Un lien de cause à effet à confirmer

Même si « un examen systématique de 12 articles a montré que l’euthanasie peut générer un stress traumatique et diminuer le bien-être des personnes chargées de prodiguer des soins aux animaux [5] », les chercheurs se refusent à établir des liens de cause à effet, se bornant à observer des corrélations. Toutefois ces résultats n’invitent-ils pas à la prudence ?

Les vétérinaires ont ainsi souligné « l’insuffisance de la formation à la prise de décision et aux consultations d’euthanasie », « car ils sont également chargés de gérer le chagrin, la culpabilité et la perte des propriétaires d’animaux » lors de ces consultations. En outre, les chercheurs notent qu’une étude récente a montré que chez les vétérinaires ayant eu des idées suicidaires au cours de la semaine écoulée, l’accès « facile » à des produits létaux sur leur lieu de travail était associé à une multiplication par six de la probabilité perçue d’une future tentative de suicide.

Les conséquences d’un acte violent

Alors que les premiers éléments du projet de loi relatif à la fin de vie indiquent que le Gouvernement envisage de demander aux soignants de pratiquer un « secourisme à l’envers » (cf. Projet de loi fin de vie : les soignants ont l’impression de se « faire marcher dessus »), l’expérience des vétérinaires invite à se questionner. Les infirmiers dénoncent « ce nouveau rôle qui [leur] est imposé » dans récent communiqué.

Sous ce terme de « secourisme à l’envers » « se cache ni plus ni moins que l’injonction d’achever les patients », s’offusque le collège des acteurs en soins infirmiers de la SFAP (cf. Projet de loi sur la fin de vie : « le mépris affiché à l’égard de soignants désormais qualifiés de “secouristes à l’envers” »).

« Nous infirmiers et infirmières, avons longtemps répondu présents malgré le manque de moyens, les conditions de travail dégradées, la course à la rentabilité. La pandémie de Covid nous a laissés épuisés, mais nous avons tenu bon et poursuivi nos soins dans des conditions identiques. Aujourd’hui, nombreux sont nos collègues qui quittent leur fonction. Nous sommes inquiets que la nouvelle loi entraine une fuite accentuée des soignants et majorent la dégradation des prises en soin ». Des craintes auxquelles l’expérience des vétérinaires appelle à ajouter le risque de l’augmentation des tendances suicidaires chez les soignants.

 

[1] Dalum, H.S., Tyssen, R., Moum, T. et al. Euthanasia of animals – association with veterinarians’ suicidal thoughts and attitudes towards assisted dying in humans: a nationwide cross-sectional survey (the NORVET study). BMC Psychiatry 24, 2 (2024). https://doi.org/10.1186/s12888-023-05402-7

[2] Ou encore ceux dont l’adresse était inconnue, aboutissant à un échantillon final de 3 464 participants à l’étude

[3] Des concepts non définis précisément dans cette enquête

[4] 55 % des vétérinaires se sont déclarés favorables

[5] « Plusieurs études ont montré que l’euthanasie est une source de stress moral et professionnel », indiquent également les auteurs de l’étude.

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