Une ordonnance gouvernementale américaine a suspendu tous les achats de tissus fœtaux à des fins de recherche. Une disposition prise en septembre dernier, sans annonce publique. Cette ordonnance fait suite à la décision du gouvernement d’organiser une enquête approfondie sur la protection applicable aux fœtus humains dans le cadre des recherches financées par le gouvernement fédéral.
Suite à cette interdiction, plusieurs laboratoires se trouvent dans l’impossibilité d’acheter leur « matière première » -les tissus fœtaux issus d’avortements – et ils ont dû suspendre leurs travaux jusqu’à nouvel ordre. Cette semaine, le HHS, Ministère de la Santé et des Services Sociaux, a réduit la durée d’un contrat qui le liait à l’Université de Californie pour des recherches nécessitant des fœtus humains, à la grande surprise des chercheurs concernés. « Nous étions sur le point de nous lancer quand la bombe a été lâchée », s’est plaint Warner Greene, directeur d’un laboratoire qui fait des recherches sur le Sida. Le HHS a exigé la suspension de tout achat de tissu fœtal humain jusqu’à ce que l’enquête soit terminée.
Deux grands laboratoires sont directement impactés par l’ordonnance gouvernementale : le National Eye Institute, qui utilise les rétines fœtales pour ses expérimentations oculaires, et l’Institut national des maladies allergiques et infectieuses (NIAID), dans le Montana, qui exploite les fœtus avortés pour créer des séries de « souris humanisées » au système immunitaire proche des humains. Le NIAID cherche des traitements pour des maladies comme le SIDA[1].
Aux USA, les chercheurs ne peuvent pas acheter eux-mêmes des tissus fœtaux humains, c’est le laboratoire Advanced Bioscience Resources (ABR), basé à Alameda, en Californie qui fournit tous les chercheurs du pays en fœtus avortés. En septembre, la FDA[2] a donc été obligée de rompre un contrat d’achats à ABR pour des tissus fœtaux humains qui leur auraient servi à tester des médicaments. Ils utilisent des fœtus humains « pour passer des découvertes en laboratoire aux études cliniques ».
Les chercheurs, qui ne travaillent pas directement pour le NIH, vont aussi être impactés par l’interdiction d’achat de fœtus humains, et ils sont nombreux à en utiliser. «Tout ce que je fais implique des souris humanisées. Je vais devoir fermer mon laboratoire si nous nous trouvions dans l’impossibilité d’utiliser des tissus fœtaux », explique par exemple Jerome Zack, un virologue de Los Angeles qui achète des fœtus humains depuis 25 ans pour travailler sur des « souris humanisées ».
Pour aller plus loin :
[1] Un seul fœtus humain permet de générer un groupe de 40 à 50 souris humanisées génétiquement identiques. Les médicaments potentiels peuvent ensuite être testés sur l’ensemble des souris, ce qui améliore la qualité des statistiques.
[2] Food and Drug administration.
Science Mag, Meredith Wadman (07/12/2018)