Espagne : la loi euthanasie inconstitutionnelle ?

Publié le 6 Avr, 2021

Alors que le 18 mars dernier l’Espagne votait et adoptait une loi « organique sur la réglementation de l’euthanasie » (cf. L’Espagne légalise l’euthanasie et le suicide assisté), la voix des députés opposés à l’euthanasie s’est élevée pour annoncer le dépôt d’un recours en annulation de la loi devant le tribunal constitutionnel [1].

Cette loi, qui entrera en vigueur dans le courant du mois de juin 2021, autorise une exception à l’interdiction de mettre fin à la vie d’autrui pour les patients demandant l’euthanasie. Pour y avoir recours, ceux-ci doivent être atteints « d’une affection grave, chronique et invalidante, provoquant dans chaque cas une souffrance physique ou psychique, constante et intolérable pour la personne qui en souffre ».

L’application de cette loi s’avère problématique sur deux points notamment. D’abord, celui du critère d’application, qui repose sur un jugement subjectif : « Ce que dit le patient de sa souffrance fait loi, et implique que le corps médical fasse droit à sa demande qu’il soit mis fin à sa vie ». Mais aussi celui de la perte d’autonomie qui élargit l’accès à l’euthanasie : « L’existence de cette deuxième hypothèse implique également que l’accès à l’euthanasie n’est pas réservé aux personnes en fin de vie, mais devient notamment possible pour les personnes handicapées ».

L’adoption de cette loi pose également « trois questions fondamentales quant à sa compatibilité avec la constitution espagnole ».

« La première difficulté tient à la compatibilité de l’euthanasie en tant que telle avec l’article 15 de la Constitution au terme duquel ‘Toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale’ ». La loi s’opposerait donc à un droit fondamental. L’article 18 de la Constitution qui « garantit le droit à l’intimité personnelle et familiale » pourrait cependant contourner la violation du droit fondamental.

« Une deuxième difficulté a trait à l’article 16 de la loi, prévoyant la mise sur pied d’un registre étatique des médecins objecteurs de conscience à l’euthanasie. » Ceci s’oppose gravement au respect de la liberté de conscience qui est un droit fondamental, rappellent les députés. De plus : « Un médecin non nécessairement opposé à l’euthanasie peut en effet considérer que les conditions de la loi ne sont pas remplies pour faire droit à la demande d’euthanasie du patient, ou que l’euthanasie pose un problème déontologique ».

« Enfin, le caractère indéterminé des conditions de fond requises pour autoriser l’accès à l’euthanasie pose également question du point de vu du respect de la Constitution espagnole, et plus spécifiquement du principe de sécurité juridique ». La loi utilise les expressions de « souffrance physique et psychique constante et intolérable », « d’affection grave, chronique et intolérable ». Autant de notions qu’il est impossible de déterminer véritablement, alors qu’il s’agit bien ici de légiférer sur la vie.

De son côté le Tribunal constitutionnel du Portugal a récemment annulé une loi très similaire à celle-ci (cf. Portugal : la loi sur l’euthanasie jugée inconstitutionnelle).

[1] « Le dépôt d’un tel recours d’inconstitutionnalité n’interrompt pas l’entrée en vigueur ni l’application de la loi ».

Source : Institut Européen de Bioéthique, Espagne : la loi euthanasie bientôt déclarée inconstitutionnelle ? (01/04/2021)

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