En légalisant l’euthanasie, notre devise républicaine deviendra « un slogan creux »

24 Juil, 2023

Dans le « Manifeste des 110 » , des personnes fragiles, touchées par le handicap, la maladie ou le grand âge se sont opposées à la légalisation de l’euthanasie et ont fait entendre leur « droit de vivre ». Elles demandent à être reconnues et accompagnées (cf. « Etre regardés, soulagés, accompagnés, mais pas tués »). Henri Moneyron, l’un des signataires, a accepté de répondre aux questions de Gènéthique.

Gènéthique : Vous êtes porteur d’un handicap. Pouvez-vous nous parler de votre histoire et de votre vie ?

Henri Moneyron : Je suis IMC (Infirme Moteur Cérébral) suite à une hémorragie cérébrale à la naissance.

Mes parents, et plus largement ma famille, m’ont beaucoup aimé et m’ont permis de suivre une scolarité « normale » dans des établissements spécialisés. J’ai eu la chance de faire des études. Ensuite, ayant réussi le concours de contrôleur des impôts, je me suis retrouvé à la Direction Générale des Impôts.

Je me suis marié il y a bientôt onze ans. Avec mon épouse, nous avons eu une fille, âgée de plus de huit ans et demi.

G : Vous sentez vous personnellement concerné par le débat sur la fin de vie ? Une évolution de la loi actuelle représente-t-elle, selon vous, un danger pour les personnes porteuses de handicap comme vous ou atteintes de maladies graves ?

HM : Non et oui à la fois. Non, parce que je ne suis pas en fin de vie (enfin, a priori). Et oui, parce que cette question me préoccupe déjà depuis plusieurs années.

Une évolution de la loi représente bien sûr un grave danger pour les personnes les plus vulnérables, parce qu’on va passer, plus ou moins insensiblement ou plutôt insidieusement, d’un droit à un « devoir de mourir », comme le montre l’évolution des Etats qui ont dépénalisé ou légalisé cette prétendue « aide active à mourir ». Aucun encadrement ne tient bien longtemps ! Cette « aide » sera une arme financière redoutable.

G : Qu’est ce qui vous a poussé à signer le Manifeste des 110 ? Quel message retenez vous ? Une phrase vous a-t-elle particulièrement touchée ?

HM : Ce manifeste correspond tout à fait à mes convictions.

Je retiens d’abord le fait que je ne suis pas seul à être indigné des perspectives d’une possible et funeste évolution législative. Mais je crois aussi que rien n’est joué !

Voici quelques phrases marquantes pour moi dans ce manifeste : « nous avons besoin d’être regardés, soulagés, accompagnés, mais pas tués », « nous refusons la légalisation d’un droit de mourir à la demande, parce qu’il finira par s’imposer à nous comme un devoir de mourir ».

G : La fin de vie, la vulnérabilité sont méconnues de beaucoup de nos concitoyens. Que pourriez-vous dire aux Français pour les éclairer et les aider à changer de regard ?

HM : Réconciliez-vous, réconcilions-nous avec notre part de vulnérabilité. En réalité, c’est elle qui est notre véritable force, dans la mesure où elle nous apprend à compter les uns sur les autres.

De nombreux patients et soignants en soins palliatifs témoignent que la maladie change le regard sur la vie, que ce qui était perçu comme intolérable devient acceptable, et qu’un chemin de bonheur peut même s’y frayer aussi.

Je leur dis aussi : ne vous laissez pas impressionner par les sondages, car, bien souvent, les questions sont biaisées et induisent les réponses.

L’interdit de tuer est au fondement des sociétés civilisées. Un Etat de droit ne peut devenir un Etat criminel.

La légalisation d’un « droit à mourir » entraînera une obligation pour ceux qui seront chargés de le mettre en œuvre. Au final, il y aura moins de liberté. L’institution d’une objection de conscience est une dangereuse illusion, car elle fait passer une objection professionnelle ou éthique pour une simple objection personnelle, et sème la zizanie dans les services.

L’euthanasie et le suicide assisté sont le revers de la médaille de l’acharnement thérapeutique, car ils consacrent la toute-puissance du médecin. Rappelons-nous que les soins palliatifs ont justement été créés en réaction à cet acharnement.

En légalisant un « droit à mourir », la devise républicaine « liberté, égalité, fraternité » deviendra un slogan creux, et sans réalité.

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