Suite au suicide ces derniers mois de cinq infirmiers, Emmanuel Hirsch revient sur l’évolution de « l’ordre gestionnaire qui sévit à l’hôpital », et qui affecte « l’engagement des professionnels de santé ». Il réclame « une concertation susceptible de réhabiliter et de respecter les fondements de l’engagement soignant », regrettant que « la technicité du soin et des missions d’accompagnement semble, dans bien des circonstances, primer sur leur humanité. La disposition à l’égard des personnes est reniée au bénéfice du temps consacré à la mise en œuvre des procédures et des protocoles ». Au nom de l’efficacité, des soignants se sentent « mis en cause dans leurs valeurs propres, leurs aptitudes, leurs qualifications ».
Face à une déshumanisation de la fonction de soignant, Emmanuel Hisrch s’interroge : « Au moment où nombre d’efforts sont concentrés sur l’objectif de réduire les pratiques maltraitantes dans le champ du soin, ne serait-il pas paradoxal de refuser la moindre bienveillance précisément à ceux qui ont mission de l’incarner et de la mettre en œuvre auprès des personnes malades qui se confient à eux ? Il n’aura jamais été autant question dans le discours politique de « care », de sollicitude, de compassion, de souci témoigné à l’autre, au moment précisément où cette exigence éthique se trouve chaque jour davantage contestée par des décisions structurelles qui fragilisent des pratiques mises en cause dans leur identité et leurs missions sociales ».
Pour lui, il est aujourd’hui indispensable de « développer une authentique concertation publique », qui « permette à notre société de comprendre ce qui se joue de vital dans la relation de soin ».
Le Monde (13/09/2016)