Alors que se sont ouverts, le 8 février dernier, les débats parlementaires sur le projet de loi relatif à la bioéthique, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer les dérives eugéniques du diagnostic prénatal (DPN). Le projet de loi soumis en première lecture aux députés renforçait en effet sensiblement le caractère obligatoire du DPN en stipulant, dans son article 9, que les examens “sont proposés à toute femme enceinte“.
Malaise des professionnels
Rassemblant des professionnels de la grossesse (gynécologues, obstétriciens, généticiens, biologistes, sages-femmes, infirmiers, etc.), le Comité pour sauver la médecine prénatale (CSMP) n’a eu de cesse d’alerter “les pouvoirs publics et les citoyens français sur l’évolution du diagnostic prénatal“.
Acteurs de la mise en œuvre du DPN, les 800 professionnels signataires de l’appel du CSMP ont évoqué “le malaise croissant” ressenti dans l’exercice de leur métier. “Nous sommes entrés dans une ’traque’ généralisée du handicap“, ont-ils dénoncé, constatant le détournement de l’objectif thérapeutique initial du diagnostic prénatal. Ainsi, “nombre de couples se sentent pris dans un engrenage qui aboutit à l’IMG, sans véritable réflexion, ni alternative“. Rappelant que “les femmes enceintes, les couples, l’assurance maladie, les pouvoirs publics et les professionnels de la médecine prénatale sont enfermés dans un processus collectif qui les dépasse“, ils ont appelé de leurs vœux une autre politique de santé publique, laquelle desserrerait la contrainte du dépistage généralisé.
Le CSMP a reçu le soutien de Jean-François Mattéi, ancien Ministre de la Santé, du Pr Levy, président de la Commission d’éthique du Collège national des gynécologues obstétriciens français et de Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Dans Le Monde du 9 février, d’autres personnalités dont Emmanuel Hirsch, directeur de l’espace éthique de l’AP-HP et Israël Nisand, chef du service de gynécologie obstétrique au CHU de Strasbourg, ont réclamé une meilleure information de la femme dans le cadre du DPN. Pour eux, la proposition systématique du DPN tel que le projet de loi le prévoyait comportait “le risque de donner lieu à une information dont le seul but est la recherche du consentement de la femme” alors qu’il a été démontré que “la plupart des femmes enceintes sont loin de connaître les enjeux du test de dépistage“.
Les associations se mobilisent
Parallèlement à ces réactions, plusieurs associations se sont regroupées pour dénoncer d’une même voix les dérives eugéniques dont sont victimes les personnes trisomiques. Dans une pleine page du Figaro et des Echos du 8 février la Fondation Jérôme Lejeune, le Collectif contre l’handiphobie, Regards 21, Down Up, le Collectif des Amis d’Eléonore et l’Association française pour la recherche sur la trisomie 21 ont demandé aux parlementaires de faire appliquer l’article 16-4 du Code civil selon lequel “toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est interdite” et ils ont appelé, d’une part, les élus à refuser de voter l’article 9 du projet de loi de bioéthique et, d’autre part, l’Etat à soutenir la recherche thérapeutique sur la trisomie 21.