Le 9 janvier dernier, le premier bébé britannique sélectionné par diagnostic préimplantatoire (DPI) contre une prédisposition au cancer du sein est né. Sa mère, âgée de 27 ans, a décidé de recourir au DPI afin que son enfant ne soit pas porteur du gène BRCA1 qui aurait pu accroître de 50 à 80% les risques qu’il développe un cancer du sein. Quelques jours avant, le quotidien La Croix se faisait l’écho de cette première naissance outre-manche d’”un enfant dont le patrimoine génétique aura été sélectionné pour éviter qu’il ne développe une telle maladie, qui est pourtant généralement soignée avec succès si elle est diagnostiquée suffisamment tôt“.
Sélection prénatale, jusqu’où aller ?
Initialement, le DPI était utilisé pour “prévenir” des maladies graves et incurables, ou plutôt pour ne pas implanter d’embryons porteurs de ces maladies. Mais, depuis 2006, date à laquelle le DPI a été utilisé aux Etats-Unis pour “prévenir” une prédisposition au cancer du côlon, la question de l’élargissement du champ d’application du DPI se pose de manière concrète. Et cette question est d’autant plus préoccupante que, selon des chercheurs britanniques, les futurs parents pourraient, d’ici à l’année prochaine, disposer d’un test génétique, le genetic MoT, leur permettant de sélectionner in vitro leurs embryons exempts de toute maladie génétique connue ou de prédispositions à des cancers, au diabète, à certaines affections cardiovasculaires et neurodégénératives. En théorie, le genetic MoT pourrait aussi permettre la sélection des embryons selon la couleur de leurs yeux ou autres critères génétiques déterminant la taille, le poids…, mais la Haute autorité britannique sur la fertilisation et l’embryologie humaines (HFEA), à laquelle doit encore être soumis le test, devrait interdire une telle utilisation.
Toujours en Grande-Bretagne, des associations de personnes sourdes revendiquent le “droit” de mettre au monde des enfants sourds via le DPI. Et cette demande ne serait pas isolée : 3% des cliniques américaines de fertilité auraient déjà recouru au DPI pour sélectionner et réimplanter des embryons porteurs d’une anomalie génétique.
Situation en France
La loi française en vigueur stipule que le DPI ne peut concerner que des maladies “d’une particulière gravité” et “incurables au moment du diagnostic“. Mais une équipe française, dirigée par le Pr. Stéphane Viville, directeur de l’Institut de génétique de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg, a reconnu, en 2006, pratiquer le DPI pour identifier les embryons porteurs de gènes prédisposant à certains cancers. Selon lui, la loi n’ayant pas listé les pathologies concernées par le DPI, “il n’y a pas besoin de modification(…) pour (…) prendre en charge la prédisposition à certains cancers“. A l’époque, la directrice de l’Agence de la biomédecine, Carine Camby, avait déclaré que, s’il devait y avoir “une interprétation extensive de la loi de bioéthique“, cela ne pouvait être “le fait d’un seul centre” et avait appelé à un débat public.
En lieu et place de débat public, le 9 avril 2008, la mission dirigée par le Dr Dominique Stoppa-Lyonnet et à laquelle participait le Pr Viville, a conclu qu’”aucune modification de la loi de bioéthique” n’était “nécessaire pour que cette pratique puisse continuer“. Et, le 26 décembre dernier, l’Agence de la biomédecine a tenu à rappeler, par un communiqué, que la sélection d’embryons par DPI dans certains cas de cancers était autorisée en France. Selon elle, 22 DPI associés à un risque de cancer ont été pratiqués entre janvier 2000 et juin 2007, conduisant à la naissance de 6 enfants indemnes des formes héréditaires de cancer ou de maladie associée recherchée 1.
La question devrait toutefois être abordée au cours de la prochaine révision de la loi de bioéthique.
1- Bilan d’application de la loi de bioéthique du 6 août 2004, Agence de la biomédecine, octobre 2008