Soixante députés et soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel contre la loi étendant le délit d’entrave à l’IVG aux sites internet. Ils dénoncent un texte inconstitutionnel à plusieurs égards : il porte atteinte à la liberté d’expression, à l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, et au principe de légalité des délits et des peines.
Les parlementaires signataires rappellent que « la liberté d’expression inclut le droit d’essayer de persuader autrui du bien-fondé de ses convictions, dans les limites inhérentes au respect de l’ordre public ». Il existe « une différence de nature entre le fait d’entraver ‘physiquement’ une personne qui souhaite recourir à une IVG (…) et le fait de mettre à disposition sur internet une information différente -même si partiale- des sites ‘officiels’ pour celles et ceux qui cherchent à s’informer et choisissent d’aller les consulter », expliquent-ils. De ce fait, le texte voté jeudi dernier « restreint de manière important la liberté d’expression et d’opinion ». Or « une telle restriction ne peut exister légalement que si elle est strictement nécessaire, justifiée par des motifs pertinents et suffisants, et dont la mesure doit être proportionnée au but qu’elle poursuit ».
Concernant l’accessibilité et l’intelligibilité de cette loi, les parlementaires signataires sont perplexes : « On ne comprend donc plus très bien s’ils s’agit toujours d’une troisième caractérisation de l’entrave (entrave physique, pression morale et diffusion d’informations dont la nature serait susceptible de constituer une entrave) ou si, comme on l’a déjà dit, la diffusion d’informations peut constituer une entrave morale, voire physique … ». La confusion introduite aura pour conséquence un risque maximum d’arbitraire. « Or, en l’espèce, il s’agit de la création d’un nouveau délit, sévèrement puni, qui ne peut donc souffrir l’arbitraire sauf à porter atteinte aux droits des citoyens, protégés par la Constitution ».
Enfin, sur l’atteinte au principe de légalité des délits et des peines, les requérants estiment que « la caractérisation d’une entrave intellectuelle sera particulièrement malaisée pour le juge pénal ». Ce dernier devra « entrer dans un débat de nature scientifique, médical voire philosophique qui n’est pas le sien ». En outre, « la peine de 2 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende prévue par ce texte est manifestement disproportionnée ».
Note Gènéthique:
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