En adoptant le projet de loi sur la bioéthique, les députés ont également approuvé une disposition stipulant qu’il est interdit de faire d’un élément du corps humain une invention brevetable. Ainsi la France confirme son intention de faire obstacle à la dynamique internationale du droit des brevets dans le champ du vivant.
Il semblerait que les difficultés en la matière proviennent d’une directive européenne en date du 6 juillet 1998 “relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques“. Celle-ci prévoit que si le patrimoine héréditaire de l’espèce humaine n’est pas brevetable, la séquence des éléments qui le constituent peut, sous certaines conditions, faire l’objet de brevet. La France juge cette disposition incompatible avec son droit et son éthique.
Le 9 octobre 2001, la Cour de justice des Communautés européennes établissait que la découverte d’un gène n’était pas brevetable et que seule l’invention susceptible de résulter de cette découverte pouvait être protégée. Seuls cinq pays ont pour l’instant transposé cette directive dans leur droit interne. La France a affirmé sa volonté d’obtenir des modifications dans ce domaine. Le gouvernement a alors rédigé un projet de loi stipulant ” que le corps humain, ses éléments et ses produits, ainsi que la connaissance de la structure totale ou partielle d’un gène humain, ne peuvent en tant que tels faire l’objet de brevets “.
Aujourd’hui Alain Claeys estime qu’il est nécessaire d’organiser une réflexion « sur le statut du vivant dans notre société » et qu’en France, il faut « organiser un débat au Parlement sur la brevetabilité du vivant afin que le politique puisse réinvestir un domaine qui a sans doute été trop accaparé ces derniers temps par les juristes ». Ce débat serait aussi l’occasion de fédérer ceux qui entendent s’opposer à la mondialisation en posant le principe de « l’exception du vivant » en matière de brevet.
Au Canada, le brevetage des gènes soulève également de vives polémiques. Le 23 janvier les députés ont débattu sur ce sujet. Ainsi, la députée du Bloc québécois demandait au ministre de l’Industrie d’amender la Loi sur les brevets afin d’en exclure le matériel génétique humain :
« le fait de breveter du matériel génétique humain constitue rien de moins qu’une réification de ce type de matériel, ce qui est un premier pas vers la commercialisation de la vie humaine » a t-elle déclaré. Quant aux partisans de la délivrance de brevets sur les gènes, ils soulignent que les droits d’auteur qu’ils génèrent pourraient servir à subventionner la recherche scientifique. Le débat de l’autre côté de l’atlantique reste donc ouvert.
Le Monde (Jean-Yves Nau) 25/01/02 – Le Devoir (Pauline Gravel) 24/01/02