La technique d’édition du génome CRISPR Cas9 « permet de reproduire des mutations naturelles protectrices chez les plantes cultivées ». Ainsi une équipe de chercheur israéliens a rendu une espèce de concombre résistante à des virus dévastateurs de récolte, en mutant un seul gène avec CRISPR. Une autre équipe, écossaise, a modifié le génome d’une plante modèle, Arabidopsis thaliana, pour le protéger d’un virus du même type.
CRISPR Cas9 permet de « gagner beaucoup de temps » par rapport aux techniques utilisées jusqu’alors pour produire des OGM. « Inactiver un gène d’une plante impliquait de soumettre à l’aveugle tout son génome à des agents chimiques mutagènes, puis d’isoler parmi les plants mutés ceux ayant la propriété désirée ». Aujourd’hui, CRISPR Cas9 permet de « modifier directement et précisément un gène cible connu ». Cette technique évite de croiser les variétés cultivées « avec des plantes sauvages où une mutation a été identifiée, ce qui imposait ensuite des années de sélection pour retenir les hybrides intéressants ».
Un autre avantage salué par les chercheurs, « à la différence des plantes transgéniques, ce type de plante ne possède aucun ADN étranger dans son génome et ne peut être distingué d’un mutant naturel ou d’une variété traditionnelle ». Toutefois, pour Jean-Stéphane Joly, coordinateur de l’infrastructure Tefor[1], les modifications introduites avec CRISPR ne sont pas neutres et la traçabilité est rendue « beaucoup plus difficile ». Il propose de « nommer différemment ces organismes, par exemple OMEGs, organismes modifiés par édition du génome, pour aider le public à les différencier des OGM ».
Il appelle donc au débat public et à une nouvelle législation, car « le risque existe bel et bien » de voir cette technique utilisée par n’importe qui dans un but moins bienveillant, provoquant des « manipulations catastrophiques et irresponsables ». Il regrette que le sujet ne soit pas bien « posé et réfléchi » en France.
Le ministère américain de la culture autorise, pour sa part, la culture de plants génétiquement modifiées par CRISPR depuis 2010. En Europe, les « discussions sur la nécessité ou non de règlementer la production de ces plantes ont été repoussées à la fin de l’année par la Commission Européenne ».
[1] Transgenèse pour les études fonctionnelles sur les organismes modèles.
Le Figaro, Pierre Kaldy (6/07/2016)