Le vendredi 31 janvier, la Fondation Jérôme Lejeune a organisé la venue en France du Professeur David Prentice pour un petit-déjeuner « bioéthique » au Sénat. Il avait été reçu la veille au Parlement européen à Bruxelles pour une audition sur l’utilisation des tissus et des cellules humaines.
Le Pr. David Prentice est professeur de génétique moléculaire et médicale à l’Ecole de médecine de l’université d’Indiana et professeur des Sciences de la Vie à l’université du Kansas. Il étudie en particulier le développement des cellules souches adultes, leur différenciation et leur prolifération. Expert international, il est conseiller scientifique au Sénat et à la chambre du Congrès américain.
Ce petit-déjeuner réunissait une quinzaine d’experts français en bioéthique, médecins, chercheurs, philosophes et sénateurs. Le Pr David Prentice a d’abord présenté un bilan des recherches sur les cellules souches adultes et sur les cellules souches embryonnaires puis sur le clonage.
Sa présentation s’appuyait sur les publications récemment parues dans des revues scientifiques de haut niveau (Nature, Science, Proceedings of the National Academy of sciences, The Lancet, …).
Le Pr Prentice a d’abord fait le point sur les capacités des cellules souches adultes en médecine régénérative au vu de l’état des recherches actuelles :
– les cellules souches adultes sont pluripotentes (Mezey et al, Proceedings of the National Academy of sciences, janv. 2003 – Jiang Y et al. Nature, Juil. 2002 – Clarke DL et al, Science, juin 2000)
– les résultats des essais sur modèles animaux sont performants
– elles sont efficaces dans la réparation cellulaire (accident vasculaire cérébral : Arvidsson A et al, Nature Medicine, août 2002 – moelle épinière : Hofstetter CP et al, Proceedings of the National Academy of sciences, fev. 2002 )
– les traitements cliniques sont positifs (tissus cardiaques : Menasché P et al., Lancet, janv.2001– Parkinson : Ourednik J et al. Nature Biotechnology, nov. 2002)
– les risques de rejet sont écartés
– leur capacité de prolifération est infinie
– la prolifération des cellules est contrôlée par l’organisme dans lequel elles sont greffées : pas de développement tumoral
– elles peuvent coloniser de manière ciblée les lésions endommagées
– leur utilisation ne pose aucun problème éthique
Ces résultats font des cellules souches adultes une source déjà efficace de traitements.
Le Pr. Prentice a ensuite présenté la recherche sur les cellules souches embryonnaires et a évoqué les difficultés auxquelles elle se heurte :
– peu de succès sur les modèles animaux
– pas de traitement clinique en cours et peu de probabilité d’en avoir (Dr J. Thomson, Stem Cells, 2001 – Dr A. Trounson, Reproduction, Fertility and Development, 2001)
– difficulté pour établir des lignées pures à partir d’embryons et pour les conserver
– pas de maîtrise de la différenciation de ces cellules
– problème de rejet
– prolifération incontrôlée : risque de formation tumorale
– remaniement du génome de certaines de ces cellules
– problème éthique dans l’utilisation de l’embryon
Concernant la technique du clonage, autrement appelée technique par transfert nucléaire, le Pr. Prentice a expliqué que c’est une technique dangereuse pour le clone mais aussi pour la mère porteuse (Humpherys D et al. Proceedings of the National Academy of sciences, oct 2002). Le fœtus issu d’un œuf cloné est généralement beaucoup plus gros que la normale ce qui oblige à procéder à une césarienne avant terme.
Il rappelle que la technique est loin d’être au point sur l’animal : pour 5 cochons clonés vivants à la naissance il a fallu implanter 72 embryons clonés, pour 30 bovins il a fallu 496 embryons et seuls 24 parmi eux ont survécu. Quant à la souris, sur l’expérience la plus réussie, 26 souris clonées sont nées après que 312 embryons aient été implantés et 13 ont survécu… Quant au clonage humain, Ian Wilmut, créateur de Dolly, le dit lui même : « il est d’une grande évidence que le clonage ne marche pas bien et qu’il n’y a aucune raison pour que ce ne soit pas de même chez l’homme »
Selon Thomas Okarma de Geron Corporation, « le clonage n’est pas commercialement viable » car pour aboutir à une thérapie adaptée il aura fallu plusieurs milliers d’ovules. Sur ce point, le Pr. Prentice prend l’exemple du diabète : pour guérir les 17 millions de diabétiques américains, il faudrait recueillir un minimum de 850 millions d’ovules en se basant, pour le clonage, sur un taux de réussite optimiste de 20 % (sachant qu’à l’heure actuelle, le pourcentage de réussite chez les animaux varie de 0,1% à 8,3% selon les animaux). A raison de 10 ovules par femmes, il faudrait donc 85 millions de femmes.
Enfin, le Pr. Prentice a soulevé les questions éthiques propres à l’utilisation des cellules souches embryonnaires :
– peut-on détruire un embryon ?
– peut-on mener des expériences sur l’homme avant de les avoir validées sur l’animal ?
– peut-on s’engager sur la voie des cellules souches embryonnaires en connaissance des conséquences : développement tumoral, par exemple ?
– peut-on investir dans le clonage ou la recherche sur l’embryon, qui semblent être plus difficiles, moins prometteurs et plus dangereux qu’on ne le pensait, au détriment des recherches sur les cellules souches adultes, qui commencent à prouver leur efficacité « thérapeutique » ? Le temps, l’argent et les compétences investis dans la recherche sur le clonage et les cellules souches embryonnaires ne freinent-elles pas la recherche sur les cellules souches adultes et donc la guérison des malades ?
Pour approfondir ces informations, consultez le dossier “Cellules souches” de Genethique
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