En Belgique, Catherine Dopchie[1], oncologue et catholique pratiquante, se penche sur les raisons qui l’amènent à ne pas pratiquer d’euthanasie.
Face au mystère de la souffrance et de la mort, elle se sent invitée « au lâcher prise pour laisser place à plus grand que moi ». Elle explique que si le médecin est à l’écoute, s’il partage les émotions des patients, cela ne veut pas dire qu’il doit « avoir réponse à tout ». Et « ne pas avoir réponse à tout ne veut pas dire que l’on n’écoute pas la supplique ».
L’euthanasie revient à un « homicide de compassion » poursuit Catherine Dopchie. En effet, « la compassion, par définition, me fait souffrir. Tuer mon frère en ce nom revient à le considérer comme mon ennemi, celui qui me dérange par la souffrance qu’il fait naitre en moi, par communion à la confrontation aux limites. L’euthanasie n’est pas qu’un ‘geste lourd qui provoque la mort du corps’ (Corinne Van Oost), mais un geste qui tue une personne qui souffre ». Pratiquer l’euthanasie revient à transgresser un interdit fondamental : « Tu ne tueras point ». En plus du patient, ce geste « tuerait à petit feu la soignante et l’être humain [qu’elle est] ».
Le docteur aborde aussi la question de la sédation. Elle établit une distinction entre sédation temporaire et sédation profonde et continue. Elle explique qu’il s’agit de bien préparer la sédation, « car cette pratique est difficile pour les soignants et pour les proches. Prolongée, son vécu se rapproche de celui de l’agonie ». Or, il faut « laisser le corps aller jusqu’au bout de ses forces », pour respecter « la personne car elle est aussi son corps ». « Céder à cette tentation de hâter la mort est une euthanasie déguisée et illégale, hypocrisie qui n’a rien à voir avec la sédation ».
Elle conclut en expliquant qu’en « étant au chevet du patient sans provoquer sa mort, nous ne le contraignons pas à vivre. Il vit, simplement, et nous appelle à être humblement à ses côtés : médecin frère de son frère, avec compétences et limites ».
[1] « Oncologue, formée à Lille aux soins palliatifs (SP), pionnière de leur développement en Hainaut occidental, responsable d’une unité hospitalière de 6 lits en SP ».
La Libre (04/01/2016)