Canada : « La mort naturelle devenue raisonnablement prévisible » comme condition du suicide assisté ?

Publié le 19 Avr, 2016

Dans une chronique publiée dans le National Post, le journaliste Andrew Coyne revient sur le projet de loi C-14 qui permettrait l’aide médicale à mourir à travers le Canada (cf. Canada : De l’aide médicale à mourir ou du suicide assisté ?). Son application « imposée » par la Cour suprême ne serait selon lui, «  pas tant la faute de la Cour mais des élus qui, lorsque confrontés à une question morale qui divise les Canadiens, préfèrent faire l’autruche et attendre que des juges décident pour eux ». D’après lui, c’est le même scénario que celui de l’avortement qui encore aujourd’hui n’est pas encadré au Canada.

 

Andrew Coyne rappelle d’abord que la loi Mourir dans la dignité dont a « accouché » le Québec invoquant un vaste consensus autour de la nécessité d’instaurer un moyen légal pour un médecin de mettre fin à la vie d’une personne souffrant physiquement et psychologiquement, et dont la mort est imminente, a vu se lever rapidement des voix dissidentes. « Tant du côté des médecins que des patients, certains trouv[ent] que la loi ne [va] pas assez loin, qu’elle devrait permettre aux personnes souffrantes mais dont la vie n’est pas menacée, d’être admissible à l’aide médicale à mourir ».

 

Une porte que le Canada pourrait ouvrir, car en fait de « condition de fin de vie », la loi s’appuierait sur une notion plus vague, celle de « la mort naturelle » « devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie ». Ce qui concerne en fait tous les êtres vivants : « le seul fait de vivre conduit à la mort ».

 

Pour les « zélotes des droits individuels » dit-il en effet, le projet de loi C-14 ne va pas assez loin, puisque s’il « permet aux médecins, infirmiers ou pharmaciens d’aider activement une personne qui souhaite se donner la mort elle-même », il ne le permet pas en cas de maladie mentale, pour les mineurs, ni ne permet « de signer une autorisation à l’avance ‘au cas où’ ».

 

Mais ce n’est qu’une question de temps assure-t-il… Pour l’instant, si le progrès est assuré par les partisans d’une loi plus permissive, la crainte de celui-ci moquée. Pourtant, si « au Québec, on nous a répété pendant dans mois que les cas d’aide médicale à mourir seraient rarissimes […] des professionnels de la santé chuchotent que c’est tout le contraire qui se passe depuis mise en application de Mourir dans la dignité ».

 

Il est paradoxal note le journaliste, que l’on s’émeuve d’un suicide tout en parlant froidement de celui-ci s’il est administré par un autre. Le normaliser « amènera des changements sociaux significatifs », par peur ou manque d’éléments intellectuels et moraux pour en discuter, par peur de notre propre mort fort potentiellement précédée par la souffrance.

 

Rappelant la situation de la Belgique qui a adopté « en son honneur » la loi sur l’euthanasie, le journaliste constate le glissement vers la permissivité totale : « Au fil des ans, la Belgique a euthanasié des autistes, des dépressifs, des transgenres, des anorexiques, des personnes souffrant du trouble de la personnalité limite, comme Stéphanie St-Jean, la gagnante de La Voix, des personnes affligées du syndrome de fatigue chronique, des sourds et muets, des enfants, des bipolaires, des paralysés partiels, etc. ». Un nombre qui a augmenté de 150% en cinq ans.

 

« L’ensemble de nos décisions personnelles finit par avoir un impact sur la trajectoire que prend la vie en société ». Andrew Coyne, pour conclure, invite à se demander « pourquoi les grands phares des droits de la personne que sont la France, la Grande-Bretagne ou les pays scandinaves ne se jettent pas la tête la première dans l’aide à mourir ». 

 

Journal de Montréal (19/04/2016)

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