Bioéthique, PMA, GPA, les enfants ont la parole

Publié le 8 Juil, 2020

Le Comité des droits de l’enfant poursuit son tour du monde et doit bientôt examiner la façon dont la France met en œuvre ces droits. Aussi, le collectif Nous enfants[1], un groupe de jeunes Français de 14 à 18 ans, a rédigé un rapport à partir des contributions de 1412 jeunes âgés de 10 à 18 ans, qui doit être adressé au Comité. Ils répondent aux questions de Gènéthique.

 

Gènéthique : Qu’est-ce qui a motivé votre démarche ?

Alexis (17 ans, seconde bac pro) : Depuis longtemps, je m’intéresse à ce qui se passe en France. J’ai fait des manifestations et des marches pour la vie car je trouve important de donner son avis sur ce qui se passe dans la société. Quand j’ai entendu parler de ce groupe de jeunes qui allait préparer un rapport pour l’ONU, j’ai saisi l’opportunité de m’exprimer. On n’a pas souvent d’occasion.

Marie-Lys (18 ans) : La bioéthique est pour moi un domaine fondamental dans notre société. Toutes les lois qui passent petit à petit en France sont des sujets tabous, méconnus du public et des jeunes, alors qu’ils nous concernent tous et que nous en sommes responsables. C’est pour assumer cette responsabilité que j’ai voulu m’engager dans ce projet, pour faire connaître les droits fondamentaux des enfants, dénoncer les injustices et rétablir au mieux la vérité. Il faut ouvrir les yeux de tous sur ce qui se passe dans notre société.

G : A partir de quand faut-il protéger les droits de l’enfant ? Pourquoi ?

Mathilde (17 ans, Terminale S) : Dès la rencontre des gamètes, et lorsque les noyaux fusionnent, un nouveau matériel génétique apparaît, unique, pas un autre sur la terre n’en a de semblable. Dès lors, c’est un être humain qui a été conçu, ce n’est pas une partie du corps de sa mère, c’est une personne à part entière ! Nous sommes dans une société humaniste qui cherche à protéger les plus faibles et les plus fragiles, la France est même réputée à l’international pour son combat en faveur des Droits de l’Homme : mais qu’y a-t-il de plus vulnérable qu’un petit enfant dans le sein de sa mère ?! L’enfance et la vieillesse sont les moments où l’Etre-humain est le plus vulnérable, parce qu’il est dépendant et parce qu’il n’a nul moyen de se faire entendre. Aujourd’hui, on voit bien que ce sont ces personnes qui sont les plus attaquées, par le biais de l’avortement, des manipulations de l’embryon, de l’euthanasie… On dira souvent : « Oui mais si on l’interdit ici, les personnes iront le faire à l’étranger, c’est une cause perdue, mieux vaut tolérer ces pratiques ». Mais c’est un raisonnement extrêmement dangereux ! Dirions-nous pareil du viol ou de la pédophilie ?! Parce que des personnes vont de toute façon violer des enfants ou des jeunes filles en Thaïlande, nous devrions le dépénaliser en France ? Lorsqu’une chose est profondément grave, on l’interdit, qu’elle soit tolérée par d’autres ou non. Il en va de notre propre conscience !

Martin (16 ans, seconde) : Pour moi la réponse est évidente, un enfant est un être humain donc il faut le protéger avant même qu’il soit né. En effet, le bébé lorsqu’il se trouve dans le ventre de sa mère, c’est déjà un humain et un enfant, ce n’est pas parce qu’il est dans le ventre que l’on doit enfreindre la CIDE[2]. Prenons un exemple: lorsqu’une personne est enfermée en prison, les gardiens ne vont pas le torturer ni le tuer. La personne qui se trouve en prison ne change pas d’état quand elle est en prison et quand elle sort. C’est pareil pour le bébé, certes il est enfermé mais il faut être respectueux de lui. S’il faut respecter le pire des criminels, encore plus l’enfant encore dans le ventre de sa mère.

G : Et si on sait que le bébé à naître va être malade ou handicapé, est-ce qu’il a « droit à la vie » ?

Alexis : Oui bien sûr un bébé a toujours le droit à la vie, même quand on découvre qu’il est malade ou handicapé. En cours, nous avons étudié la grossesse chez les jeunes, et la chose présentée comme normale était l’avortement. Je suis sûr que, si on donnait tous les moyens à une fille pour pouvoir garder son bébé, c’est ça qu’elle voudrait.

Marie (15 ans, seconde) : Nous vivons actuellement dans une société qui met tout en œuvre pour empêcher le racisme, qui est une discrimination violente envers un groupe humain. Alors pourquoi les handicapés, les trisomiques, les personnes malades à vie n’auraient pas le droit de vivre ? Pourquoi le seul fait qu’ils soient “pas comme les autres”, les empêcherait-il de vivre ? N’est-ce pas aussi une forme d’eugénisme ?

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais les personnes qui sourient le plus, sont les trisomiques. Ils respirent la joie de vivre alors que nous qui n’avons aucun problème physique ou mental, nous ne sommes jamais contents. Pourquoi les empêcher de vivre ? Qui ne craque pas devant un trisomique ou un handicapé qui vous sourit ?

Jamais je ne pourrai regarder un bébé handicapé dans les yeux après lui avoir expliqué qu’il n’a pas le droit de vivre, comme si vivre était un cadeau que certaines personnes octroient à des élus et non pas une évidence.

G : Comment réagissez-vous aux lois qui sont en train de passer : la PMA sans père ? la GPA ? Pensez-vous que ces mesures de la loi de bioéthique respectent les droits de l’enfant ?

Tristan (15 ans, seconde) : C’est pas normal de faire une PMA car un enfant naît d’une relation d’amour. Ce n’est pas juste d’oublier que l’enfant a un père sous prétexte que cela arrange la femme. Et puis un père, il y en a toujours un. La question est de savoir si on l’efface ou pas, si on prive l’enfant de père ou pas. Je comprends que les gens aient envie d’avoir des enfants, mais c’est pas une raison pour bricoler des enfants dans des tubes à essai.

Marie-Lys : Comment accepter qu’un État, qui est censé tout faire pour le bien de ses citoyens, en commençant par les plus fragiles et vulnérables, ôte volontairement à des enfants la présence ô combien précieuse d’un père ? On pourra louer les qualités si nombreuses et véritables d’une femme pour l’éducation et la tendresse qu’elle apporte à ses enfants, cela ne remplacera jamais l’amour et la présence d’un père. Ceux qui l’ont reçu peuvent témoigner de cette nécessité, ceux qui en ont vécu l’absence peuvent avouer leur souffrance. Et bien sûr, la PMA sans père ouvrant sur la GPA, nous pouvons faire la même réflexion dans le sens inverse. Cela est sans compter le traumatisme vécu par la mère porteuse et l’enfant lors de la séparation, après 9 mois – 9 mois c’est si long ! – de relation si intime, si unique. Sans compter non plus l’aspect financier toujours si dominant dans ces lois concernant la vie et le développement de milliers d’enfants à l’avenir, enfants qui sont alors issus d’un véritable marché mondial. Comment je réagis face à ces nouvelles lois ? Par l’indignation, la colère face à tant d’injustice et de mensonges, et par l’action pour ne pas laisser passer ces lois qui feront tant de ravages dans notre société.

Alexis : Moi cela me choque et m’attriste beaucoup que des lois comme la PMA et la GPA soient votées en France car l’envie d’avoir un enfant ne permet pas de faire n’importe quoi.

Mathilde : Il y a une réelle traite humaine, le corps humain fait l’objet d’un commerce qui est intolérable : on le voit avec la vente d’organes, la prostitution des enfants ou la vente d’êtres humains en Libye … Aujourd’hui on veut légaliser ce commerce du corps sous la forme de la PMA et de la GPA, et on présente cela comme un bien ! On observe en ce moment les dégâts et les blessures qu’ont causés la traite des esclaves, jusque dans les générations suivantes. Mais qu’en sera-t-il pour tous ces enfants lorsqu’ils demanderont des comptes à la société, comme les descendants d’esclaves le font aujourd’hui !?

G : Dans votre rapport, Marie dit : « Les intérêts de l’enfant ont disparu et ont été remplacés par les intérêts des parents ». Pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle veut dire ?

Marie : Quand je me mets à la place d’un enfant issu de la GPA, je me dis que je n’aimerais pas avoir été conçue dans une éprouvette avec les gamètes d’une personne que je ne verrai jamais, que je ne connaîtrai jamais. Avoir passé 9 mois dans le ventre d’une femme qui ne m’a acceptée que parce que c’était bien payé, qui a accepté d’être industrialisée. Je n’aimerais pas penser que j’ai été achetée comme si un bébé était une simple marchandise, une poupée qui vous attend sagement dans une vitrine de magasin. Je n’aimerais pas regarder mes parents en me disant que je ne suis pas une merveille, un trésor pour eux mais seulement un dû, une normalité, un produit. Est ce que les parents qui ont eu un enfant issu d’une GPA ont agi pour l’intérêt de celui-ci ?

Si j’étais issue d’une PMA, je ne pourrais jamais regarder mes parents sans penser que j’ai échappé aux sorts de mes frères et sœurs qui eux, ont fini congelés, attendant le nouveau projet parental, ou bien détruits. Je n’aimerais pas me dire que je ressemble à quelqu’un sur terre qui a donné ses gamètes et qui n’en a rien à faire de voir que des enfants cherchent désespérément  à savoir qui sont leurs parents génétiques. Aimeriez-vous passer toute votre enfance avec l’impression que quelque chose cloche par rapport à votre conception, comme en témoignent plusieurs enfants issus de la PMA ? A chaque fois que vous rencontrez une autre personne qui a la même couleur de cheveux, penser qu’il s’agit peut-être de votre demi-frère ou demi-sœur ? Aimeriez-vous avoir été choisi par vos parents en vous disant que si vous n’aviez pas convenu à leurs critères vous ne seriez pas là, vous ne respireriez pas ? Ont-ils agi dans votre intérêt en vous faisant poser toutes ces questions ? Ont-ils agi dans l’intérêt des autres embryons ?

Je n’aurais personnellement aucune envie de me poser toutes ces questions et d’affronter  tous ces problèmes !

G : Que souhaitez-vous dire aux adultes à Genève à propos des droits de l’enfant en France ?

Martin : Si j’ai la chance de participer au congrès de Genève, j’aimerais leur dire combien j’aime mes neveux et je suppose qu’eux aussi aiment leurs enfants. Il est vrai que l’on pourrait se dire : « tant que mes enfants vont bien je ne vois pas pourquoi je devrais me battre pour lutter contre la PMA et GPA en plus dans ma famille on n’est même pas concernés par cette loi, alors si cela fait plaisir à des personnes pourquoi pas ! » Et bien non ! Vous êtes concernés, vous qui avez des enfants, vous savez ce que c’est d’avoir des enfants heureux de vous voir réunis en famille sans se poser la question de savoir : « Qui est mon vrai père ? Pourquoi ai-je 2 papas ou 2 mamans ? ». Je vous assure que ces jeunes deviendront violents dans la vie car ils ont vécu une violence. Je pense que vous n’avez pas envie de voir des enfants malheureux ? Battez-vous et propageons la vérité.

Marie-Lys : A Genève, j’aimerais leur dire une chose : pensez aux enfants.

Photo : iStock


[1] Branche jeune de l’association Juristes pour l’enfance.

[2] CIDE : Convention internationale des droits de l’enfant.

 

 

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