Psycho Enfants.fr a interrogé le Dr. Jean-Pierre Dickès, directeur de l’Association Catholique des Infirmières et Médecins et Jean-René Binet, professeur de droit privé à l’université de Franche-Comté et membre du bureau de l’Espace Ethique Bourgogne Franche-Comté, sur le "bébé-médicament", né après un double DPI (diagnostic préimplantatoire).
En plus des "dizaines d’embryons qui ont été détruits pour concevoir cet enfant", on ne peut négliger l’importance des risques psychologiques qu’implique la naissance délibérée d’un "enfant médicament" souligne le Dr. Jean-Pierre Dickès. Il évoque "deux troubles basiques liés à la fécondation in vitro (FIV)" : d’une part l’instrumentalisation à l’origine de la naissance de l’enfant l’amènera à se sentir "l’objet d’une manipulation" ; d’autre part, il risque de souffrir du "syndrome du survivor" (syndrome du survivant) : ainsi nommé en référence aux soldats américains qui survivaient à des embuscades pendant la guerre du Vietnam. Alors que d’autres embryons conçus dans le même but n’auront pas été sélectionnés mais détruits, "l’enfant se demandera toujours pourquoi il est celui qui a survécu". Cela suscite souvent une grave dépression liée à "ce sentiment de culpabilité d’être en vie". Un "enfant médicament" risque également de souffrir d’un trouble de l’identification, ses parents ne lui ayant pas donné la vie pour lui-même, ou alors d’un sentiment de toute puissance, en s’estimant "source de vie" pour son aîné.
Le Dr. Dickès qualifie cet "enfant médicament" d’ "enfant du désespoir" car s’il ne permet finalement pas de soigner son frère, un grand nombre d’embryons auront été sacrifiés pour rien. Si le traitement ne marche pas, l’enfant se verra prélevé des cellules souches dans la moelle épinière, ce qui ne peut qu’accentuer son sentiment d’être chosifié. La collecte du sang de cordon existe déjà mais n’est pas suffisamment développée.
Jean-René Binet souligne la violence de l’expression "bébé-médicament" où l’enfant est plus perçu comme "médicament" pour les perspectives thérapeutiques associées à sa conception que comme enfant. Il ajoute que "l’instrumentalisation de la conception ou de la naissance d’un enfant est un écueil dont le législateur doit prémunir la société". Cette part d’instrumentalisation est inévitable avec la pratique du "double DPI" utilisée pour cette naissance. Il ne faut pas que cette pratique "soit utilisée pour compenser les insuffisances de la collecte et du stockage de sang placentaire en vue de greffes de cellules souches hématopoïétiques". Avec l’objectif français d’atteindre 30 000 unités de sang placentaire en 2013, on peut penser que le recours au double DPI deviendra bientôt caduc.
Psychoenfants.fr 17/02/11