Les lycéens de filières générales (L, ES et S) étudieront à la rentrée en cours de Science et vie de la terre (SVT) la théorie du gender, qui prône une différenciation entre l’identité sexuelle, donné biologique, et le genre masculin ou féminin, construction sociale. Ce nouveau programme suscite de vives réactions dans le monde éducatif et de la part de parents d’élèves. "Il ne faut pas faire passer pour vérité scientifique ce qui relève avant tout d’un débat anthropologique", rappelle le psychanalyste Jacques Arènes. Revenant sur les propos contenus dans le manuel Hachette selon lequel "la société construit en nous, à notre naissance, une idée des caractéristiques de notre sexe", le théologien Xavier Lacroix souligne que "le texte est foncièrement ambigu. D’un côté, ses affirmations prises à la lettre et une à une sont exactes ; de l’autre, ses silences et ses insistances orientent le texte dans une certaine direction". Il invite les professeurs, notamment de SVT, d’avoir "présent à l’esprit l’arrière fond global" de cette théorie. Dénonçant le contenu de certains manuels, qui fait "explicitement référence à la théorie du genre, qui privilégie le "genre", considéré comme une pure construction sociale, sur la différence sexuelle", l’enseignement catholique a invité les directeurs diocésains à un réel discernement dans le choix opéré sur les manuels de SVT.
Malgré les 33 000 signatures contenues dans la pétition adressée à Luc Chatel par le collectif "L’école déboussolée" regroupant les enseignants du public dénonçant cette théorie, le ministre de l’Education nationale a refusé tout dialogue (Cf. Synthèse de presse du 29/06/11). Pour le directeur général de l’enseignement scolaire, Jean-Michel Blanquer, il n’y a pas lieu à polémiquer, "en classe de première, on aborde la définition homme/femme. Il s’agit principalement d’évoquer la dimension biologique de la détermination sexuelle dès la phase embryonnaire. En complément, le programme évoque la dimension sociologique de la différenciation sexuelle". Dénonçant le "procès d’intention" fait à l’éducation nationale, Valérie Sipahimalani, représentante du Syndicat national des enseignements de second degré au Conseil supérieur de l’éducation, estime que "les manuels introduisent la question de l’orientation sexuelle, en disant que la société nous reconnait homme ou femme mais que chacun peut avoir des relations avec des personnes de même sexe ou de sexe opposé". "Il s’agit sans doute de la réponse que l’Education nationale a cru devoir donner à son inquiétude majeure : l’homophobie", relève le dominicain Laurent Lemoine, spécialiste des questions éthiques.
Même si certains professeurs interrogés soulignent que ces manuels ne sont que de "simples ressources documentaires" et évoquent leur manque de temps pour étudier la théorie du gender, celle-ci sera tout de même au programme du baccalauréat dans certaines filières. De nombreuses initiatives se mettent en place pour limiter l’impact de l’étude de cette théorie sur les lycéens. Ainsi, à la demande de Monseigneur Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, l’enseignement catholique met au point des fiches explicatives destinées aux enseignants dès 2012.
Le gender suscite aussi le débat outre-Atlantique. La philosophe Judith Butler, initiatrice de la théorie du gender et professeur à l’université de Berkeley en Californie, a mis au point une théorie dite d’"éducation neutre". Analysant certains auteurs français tel que Michel Foucault ou Simone de Beauvoir, elle prône la fin de la différence garçon/fille pour laisser les enfants entièrement libres de choisir leur genre. Selon elle, si le sexe et uniquement lié au chromosome et à l’identité biologique de la personne, le genre, féminin ou masculin, relève uniquement d’une construction sociale. Cette théorie a été reprise dans certains milieux, comme le montre la naissance de Storm, enfant né en janvier dernier dont les parents n’ont pas révélé le sexe pour lui laisser la liberté de choisir son genre lui même (Cf. Synthèse de presse du 01/06/11). Le psychologue et médecin Léonard Sax s’alarme en rappelant que la différence fille/garçon reste importante : "ignorer le genre ne va pas le faire disparaitre. Au contraire, l’ignorer aura pour conséquence ironique d’exacerber les stéréotypes".
Notons que Judith Butler serait revenue sur ses positions.
La Croix (François-Xavier Maigre, Loup Besmond de Sennevile, Stéphanie Fontenoy) 19/07/2011