Danielle Moyse, chercheur associée au Centre d’études des mouvements sociaux, revient dans le quotidien La Croix sur ce qu’on a qualifié au cours de l’affaire Perruche de "vies préjudiciables".
Le 4 mars 2002, l’article 1 de la loi sur "le droit des malades" mettait un terme aux actions dites de "vies préjudiciables" légitimées par "l’arrêt Perruche". Il devenait impossible d’indemniser un enfant handicapé parce qu’une erreur de dépistage n’aurait pas permis à sa mère de recourir à une interruption médicale de grossesse.
On peut se demander si le regard porté sur les personnes handicapées a vraiment changé depuis la controverse soulevée par l’"arrêt Perruche". Rappelons qu’en juillet 2005, 2 frères d’une petite fille trisomique ont été indemnisés au motif qu’ils avaient subi un préjudice par "ricochet" du fait de la naissance de leur soeur. Et pourtant cette affaire n’a pas soulevé le tollé général qu’avait soulevé l’affaire Perruche.
Pour D. Moyse, cela s’explique par les sommes en jeu, qui, cette fois-ci, étaient très inférieures à celles de l’affaire Perruche. Elle s’interroge également : "comment justifier par ailleurs que, depuis qu’on a mis un terme à la jurisprudence Perruche, toute la famille pourra bientôt être dédommagée sauf… la personne directement concernée ?" et ce, alors que la loi de février 2005 réaffirme le "droit des malades".
Depuis, la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé que la loi "anti Perruche" ne pouvait être rétroactive et de ce fait que les procès engagés avant le 4 mars 2002 pouvaient donner lieu à des indemnisations. Cette nouvelle a provoqué un tollé chez les assureurs des médecins.
D. Moyse s’interroge : "imagine-t-on ce que peut représenter pour un être humain le fait d’être qualifié, par voie judiciaire, de "préjudice" pour ses parents, sa fratrie et en un sens, pour la société entière ?".
La Croix 02/05/06