Trois entretiens sur l’eugénisme

Publié le 24 Nov, 2009

Le dossier de La Croix propose trois entretiens sur l’eugénisme.

Pour Jean Leonetti, député UMP et rapporteur de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision des lois de bioéthique, nous sommes dans "une forme d’eugénisme acceptable" qui repose sur la prise en compte de quatre critères : l’autonomie, la vulnérabilité, l’intérêt particulier et l’intérêt général. Ainsi, dans le cadre d’une pathologie grave, on ne saurait parler d’eugénisme au sens strict car on se réfère alors à ce que l’embryon aurait souhaité et dans la mesure où cet être est non autonome et vulnérable, c’est la voix de sa mère qui peut en témoigner : "Il faut se référer à ce que cet être aurait souhaité, en passant par la personne qui peut témoigner pour lui, à savoir sa mère". Par ailleurs, une sélection réalisée à titre individuel ne vise pas l’amélioration de l’espèce et n’est donc pas eugénique. "En revanche, si l’on établissait une liste des pathologies concernées, là, ce serait de l’eugénisme". Jean Leonetti admet par contre que les propositions d’extension du DPI contiennent bien un danger d’eugénisme dans la mesure où l’on s’oriente vers "la détection de tout ce qu’il est possible de détecter". Pour l’instant, il estime que l’"équilibre entre le dépistage des anomalies et l’accueil des handicapés" nous préserve des risques d’eugénisme.

Bertrand Mathieu, professeur de droit constitutionnel, affirme quant à lui que "notre société s’inscrit dans une logique eugénique", fût-elle scientifique et compassionnelle. En effet, la définition de l’eugénisme réside dans "la sélection des individus en fonction de leurs caractéristiques génétiques". Il est "dangereux" de parler d’eugénisme acceptable car le terme est "subjectif, renvoyant à des considérations par nature contingentes, évolutives et émotionnelles". "Force est de reconnaître que l’eugénisme, au sens défini plus haut, est en contradiction avec le principe de l’égale dignité des êtres humains", affirme-t-il avant de poser la question : "est-il acceptable de considérer qu’il y a des vies qui valent moins que d’autres la peine d’être vécues ?" Constatant qu’il semble difficile de revenir sur la tolérance actuelle d’un eugénisme au cas par cas, il plaide pour que l’on n’aille pas plus loin et que l’on n’étende pas, par exemple, le DPI au dépistage de certaines formes de cancers. "Et surtout, il ne faut pas toucher aux principes, et notamment au principe de dignité. Car si l’on renonce à protéger l’être humain au nom du principe de dignité, alors tout devient possible".

Dans son "commentaire", Dominique Quinio note combien le dépistage anténatal pose de problèmes éthiques. En effet, " ce repérage d’embryons ou de foetus porteurs d’anomalies, dans une majorité des cas, aboutit à un avortement" . Pour elle, parler d’eugénisme conduit souvent à clore prématurément le débat car le concept semble renvoyer à des pratiques d’Etat, ce qui ne serait pas le cas en France actuellement. Pour autant, il convient de " s’interroger collectivement sur l’image d’une société qui, de plus en plus, refuse la naissance d’enfants différents et établit, de fait, une sélection entre les êtres" . Au-delà de la classification et de la marginalisation des individus, la systématisation de la sélection pourrait bien dispenser la science de consacrer davantage de moyens à lutter contre la maladie et le handicap.

La Croix (Dominique Quinio et Marianne Gomez) 24/11/09

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