Quelle issue pour les embryons congelés ?

Publié le 27 Mar, 2006

Le Père Alain Mattheeuws, jésuite, docteur en théologie morale et sacramentaire, professeur dans différentes facultés et spécialiste de la recherche bioéthique en théologie morale, répond dans une interview à Zenit* aux délicates questions qui entourent la congélation, l’implantation et l’adoption d’embryons créés par fécondation

in vitro. Il lance “un appel éthique” pour que soit respecté l’embryon congelé, qu’il nomme “enfant embryonnaire congelé“.

La congélation d’embryons humains, pour ceux créés en excédant lors d’une fécondation in vitro, ne posent que des problèmes techniques et juridiques si l’on considère l’embryon comme un matériau biologique. En revanche, si l’on considère qu’il faut protéger l’être humain dès sa conception, la congélation d’embryon est inacceptable comme l’explique l’Instruction Donum vitae : “La congélation des embryons, même si elle est réalisée pour garantir une conservation de l’embryon en vie (« cryoconservation ») constitue une offense au respect dû aux êtres humains, car elle les expose à de graves risques de mort ou d’atteinte à leur intégrité ; elle les prive au moins temporairement de l’accueil et de la gestation maternelle, et les place dans une situation susceptible d’offenses et de manipulations ultérieures.” (Intro n°6)

Le Père A. Mattheeuws rappelle “le caractère illicite (immoral) des procréations médicalement assistées (PMA)“. “Si les parents posent la question de la valeur de leur acte, gardons-nous de les juger. Mais par contre, il convient d’être vrai et ne pas cacher le caractère illicite de ce qu’ils ont fait, parfois de bonne foi. Éclairer la conscience avec délicatesse et amour, c’est toujours respecter la dignité d’autrui”.

Les parents n’ont pas un droit absolu sur leurs “enfants embryonnaires”, en revanche ils en sont responsables. Même si certains Etats proposent de défaire juridiquement cette responsabilité parentale, les couples ne peuvent pas “moralement signer “une décharge totale” des embryons issus de leur corps et de leurs personnes” et s’en décharger comme des “objets”. Les parents ont des décisions à prendre quant à l’avenir de leur “enfant embryonnaire”, “ils ne peuvent pas se débarrasser de la responsabilité qu’ils ont prise en concevant ces embryons, même avec l’aide d’un médecin“.

Les couples qui recourent à la PMA doivent prendre conscience du statut et de la dignité de ces “enfants embryonnaires congelés”. Ils doivent tout faire pour les respecter et leur donner la possibilité de continuer à vivre en leur rendant la dimension du temps, en les sortant de leur état congelé et en n’en faisant pas des matériaux de recherche.
Le Père Mattheeuws ne pense pas qu’il y ait “une obligation morale” pour les couples à implanter dans l’utérus maternel tous les embryons créés en vue de les mettre au monde mais il les appelle à accomplir “au mieux” leur responsabilité d’engendrement en les délivrant de leur “prison de froid“.

Aux Etats-Unis, on dénombre 400 000 embryons congelés dont 11 000 surnuméraires ne feraient plus l’objet d’un projet parental. En France, ils seraient 80 000. En Belgique, 24 000.

Peut-on alors envisager “l’adoption” des embryon congelés ?
Pour certains, adopter des enfants embryonnaires ajouterait “une pièce au puzzle complexe et aberrant d’un système qui ne respecte pas l’origine de la vie humaine“. D’autres pensent “qu’une adoption massive et visible de ces enfants embryonnaires témoignerait du respect qu’on leur doit et favoriserait à long terme une prise de conscience du mal qui leur a été fait, et donc du caractère mortifère de ces diverses techniques“. D’autres arguments sont à considérer : l’accord commun des époux, le statut du corps de la femme, le droit de l’embryon à être conçu, porté et mis au monde par sa mère et l’amour de ses parents…
L‘adoption d’embryons congelés peut prendre deux formes : le “sauvetage d’embryon“, s’il s’agit, pour une femme, de mettre simplement l’embryon au monde, ou “l’adoption d’embryon” s’il s’agit, pour un couple, d’accueillir l’embryon, une fois né, au sein de sa famille.
Pour le Père Mattheeuws : “l’adoption-gestation ne [me] semble pas un moyen respectueux. Elle ne rejoint pas la perfection d’un acte moralement bon. L’intention est généreuse, mais l’objet de l’acte contredit le respect qui est du à tout être humain, particulièrement à la femme” car il y a une “unité insécable” entre la conception et la gestation.

>> à suivre

Zenit 23&24/03/06 – Photo : iStock

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