Les journées de l’Agence de la biomédecine (ABM) se sont ouvertes hier, à l’université Paris Descartes. Des journées qui ont une “teinte particulière“, explique la présidente Anne Courrèges, puisque l’ABM fête cette année ses 10 ans. Pour l’occasion, Marisol Touraine a ouvert la session plénière. Sa présence a été perçue comme un “signe de reconnaissance du chemin parcouru et un encouragement pour poursuivre dans la même voie”.
L’âge de la maturité, l’ABM une référence
Pour Marisol Touraine, “10 ans, c’est l’âge de la maturité“, le moment de faire le premier bilan, et de “marquer des ambitions pour continuer à innover”. En 10 ans, l’ABM est devenue “une référence pour la société“, a souligné la ministre, “en encourageant les débats éthiques qu’appellent aujourd’hui la biomédecine”. Elle s’est félicitée, “le défi est relevé”.
Enfin, la ministre de la santé a appelé de ses vœux l’évolution de trois enjeux fondamentaux : la greffe d’organes, la procréation, et la recherche biomédicale.
Enjeu numéro 1, la greffe d’organes
Après avoir insisté sur l’augmentation des dons d’organes et la nécessité de les développer encore, la Ministre de la santé a évoqué le projet de loi santé, dont une des dispositions insiste sur le consentement présumé du don d’organes, déjà en place, mais qui “modifie” le rôle des familles dans le processus de décision.
Elle a aussi annoncé la poursuite des prélèvements d’organes sur donneur décédé après arrêt des thérapeutiques actives (Procédure Maastricht 3). Déjà expérimentée en France, pour la première fois, au CHU d’Annecy, cette catégorie de prélèvements, qui pose de nombreuses questions éthiques, sera désormais également réalisée à la Pitié-Salpêtrière à Paris, et au CHU de Nantes (cf. Gènéthique vous informe du 1/02/2013).
Enjeu numéro 2, le don de gamètes
Le don de gamètes est la deuxième priorité de la ministre de la santé pour les années à venir : “Il faut encourager le don de gamètes […], il faut que le système soit ‘auto-suffisant’”. Le cap est fixé : “Nous devons atteindre 900 donneuses d’ovocytes“. Pour arriver à cet objectif, Marisol Touraine a présenté deux moyens à court terme : la campagne radiophonique de l’ABM qui débutera la semaine prochaine (cf. Synthèse de presse du 26 mai 2015), et la publication du décret d’application de la loi de bioéthique de 2011 qui élargit le don de gamètes aux personnes nullipares.
Enjeu numéro 3, la recherche biomédicale sur les cellules souches embryonnaires humaines
Marisol Touraine a évoque une “expertise française unique, notamment sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh)“. Elle a rappelé que l’ABM avait délivré 73 protocoles de recherche sur l’embryon et les CSEh, considérant que les résultats étaient “porteurs d’espoirs pour des milliers de malades”. Elle n’a pas hésité à prendre l’exemple de la recherche du professeur Menasché qui aurait “guéri à l’hôpital Pompidou l’insuffisance cardiaque d’une femme grâce à des CSEh” (cf. Synthèse de presse bioéthique du 19 janvier 2015). On sait pourtant que le professeur Ménasché lui même ne savait pas « si l’amélioration prov[enait] de la greffe de cellules ou du pontage [réalisé dans le même temps] ». L’effet d’annonce “scientifico-politique” semble, dans ce cas, assez évidente (cf. Gènéthique vous informe du 25 février 2015).
La transparence de l’ABM ?
La ministre de la santé a conclu en reprenant ce qui pourrait être le maître mot de la journée : la transparence de l’ABM, valeur première, invoquée par la majorité des intervenants. On peut s’étonner alors, que le député Jean-Louis Touraine, au moment d’exprimer le “bonheur” d’être passé au régime d’autorisation de la recherche sur l’embryon et des CSEh, explique que les nombreux recours contre les autorisations de recherche sur l’embryon et CSEh délivrées par l’ABM, ont “tous été perdus par l’association requérante“. Ce propos affirmé avec force devant une salle comble reflète étrangement cette valeur de “transparence” quant on sait que le seul recours pour l’instant jugé par le Conseil d’Etat a condamné l’ABM pour non respect des conditions légales (Cf. Conseil d’Etat 23 décembre 2014 n°360958).
Pour écouter le discours de Marisol Touraine, cliquez ici.