OPECST : un rapport attendu, des propositions entendues

Publié le 25 Oct, 2018

Après des discussions nombreuses, la publication ayant été reculée d’une semaine (cf. Rapport de l’OPECST : des débats fournis, des sujets complexes et… une publication repoussée), les parlementaires de l’OPECST ont remis leur rapport jeudi 25 octobre. L’objectif de ce rapport a été clairement rappelé par Cédric Villany, député LREM de l’Essonne, il s’agit de « mettre en avant ce qui dépend des choix technologiques et scientifiques pour être utilisables par les parlementaires ». C’est la dernière publication attendue après celle du Conseil d’état en juillet et celle du Comité Consultatif National d’Éthique en septembre (cf. Avis du Comité consultatif National d’Ethique : vers quels abîmes ?).

 

Toujours plus de recherche sur l’embryon

 

Le rapport confirme les positions déjà pressenties. Sur la recherche sur l’embryon, « parce que la France est en retard dans ce domaine », ils justifient l’extension « du délai de culture in vitro des embryons destinés à la recherche à 14 jours ». Ils précisent que « la recherche ne pourra être entreprise et réalisé que sur des embryons surnuméraires conçus par AMP ». Ils vouent ainsi les embryons qui ne font plus l’objet d’un projet parental à la destruction, ce qui d’un point de vue éthique pose une vraie question que le législateur évince loi après loi. « Ces embryons destinés à la recherche » ne pourront être « réimplantés ». Ils « seront donc détruits une fois atteint le délai autorisé », soit 14 jours si les recommandations de l’OPECST étaient suivies et votées (cf. L’embryon humain, cet animal de laboratoire).

 

Sur la question du sort des embryons surnuméraires, l’Office invite le législateur à « se préoccuper dans le cadre de la loi du devenir des embryons congelés qui n’ont pas été réimplantés au cours d’un projet parental, et en particulier, de fixer un délai maximal de conservation des embryons ». Une fois de plus sur la sellette, la question de la destruction de ces futurs bébés.

 

Tests génétiques et diagnostic préimplatatoire (DPI)

 

Au sujet des tests génétiques, les parlementaires se posent la question de l’extension du DPI aux aneuploïdies, c’est-à-dire aux trisomies 13, 18 et 21, et demandent « la réalisation d’études biomédicales préalablement à une éventuelle modification législative », pour vérifier l’innocuité pour l’embryon de cet élargissement. Le motif invoqué pour sursoir n’est ni éthique, ni eugénique : il s’agit de vérifier « la sécurité » du procédé. Le rapport laisse supposer qu’une fois l’étude menée, si la conclusion était conforme, le DPI pourrait être étendu. La traque aux bébés porteurs de trisomie dans le diagnostic prénatal pourrait donc s’étendre aux embryons conçus in vitro pour éviter aux parents « de recourir à un diagnostic prénatal conduisant à une interruption thérapeutique de grossesse ». Les législateurs de 2011 avaient rejeté cette éventualité qui conduirait à une stigmatisation supplémentaire de cette population. Pourtant, les parlementaires reconnaissent que « l’examen des mutations génétiques se fait nécessairement dans un temps très court, sur un matériau en très faible quantité, avant d’implanter l’embryon indemne ». L’accueil de la personne handicapée et de sa place dans la société n’est à aucun moment évoqué.

 

L’OPECST souhaite le maintien de l’interdit au libre accès aux tests génétiques pour notamment des raisons d’interprétation, de protection des données, des risques liées à la mise à disposition de données incidentes, mais aussi aux analyses génétiques en population générale. Les députés et les sénateurs persistent cependant sur la question des tests génétiques post-mortem, approuvant la proposition de loi déposée par le Sénat (cf. Sénat : Faut-il autoriser les examens génétiques sur personnes décédées ? ) dont l’utilité reste contestable (cf. Vers une autorisation des analyses génétiques sur personnes décédées ?).

 

Ils souhaitent l’abandon de la loi dite des « bébés médicaments », car, expliquent-ils « cette pratique n’existe plus en France depuis 2014 ».

 

Et la PMA…

 

Sur la question de la « PMA pour toutes », les parlementaires estiment que ce sujet sociétal n’est pas de leur compétence. Jean-François Eliaou, député LREM et rapporteur de ce texte, considère que cette « extension ne relève pas d’une discussion et de préconisation de l’OEPCST ». En effet, «  il n’y a pas d’avancée du point de vue technique ou médical dans ce domaine », explique le député. Cependant, les conséquences de cette ouverture sont évoquées. La députée Annie Delmont-Koropoulis souhaite que la loi prévoit « un entretien préalable avec une équipe pluridisciplinaire, comprenant des psychologues et pédopsychiatres », avant toute demande de PMA avec don de gamètes ou d’embryon. Les parlementaires s’interrogent notamment sur le devenir de l’interdiction de la fécondation post-mortem qui, en cohérence, devrait être examinée.

 

Plus largement, le rapport évoque la question de l’anonymat des donneurs. Il est « favorable au principe d’anonymat au moment du don », avec possibilité de « levée de l’anonymat aux 18 ans mais accès aux données non identifiantes entre la naissance et la majorité », explique Annie Delpont-Koropoulis, députée LR et rapporteur. Jean-François Eliaou concède « la nécessité de travailler cette question » qui touche notamment aux droits de l’enfant, et laisse la possibilité au donneur de ne pas lever l’anonymat. Ces dispositions ne seront pas rétroactives, précise le député.

 

Tout au long du rapport, les parlementaires soulignent la nécessité de l’information et du consentement des patients concernés par telle ou telle pratique. Par exemple sur l’autoconservation des ovocytes avant d’émettre un avis, ils rappellent « le risque lié à la pratique du recueil des ovocytes », que la « chance d’obtenir une grossesse après réchauffement des ovocytes et fécondation par ICSI » est « faible » et que les grossesses tardives sont à risque pour la mère et l’enfant. Sur cette question particulière, ils soulignent « une organisation inadéquate de la société en termes de charge de travail, de garderie ou de crèches » qui obligent les femmes à différer leur maternité. L’autoconservation ovocytaire n’est pas « la solution magique » au décalage de l’âge de la grossesse. Ils suggèrent in fine de distinguer le « don altruiste » de la « possibilité d’autoconservation » et d’abroger le régime actuel des dons de gamètes qui permet à des femmes qui font un don d’en préserver une partie pour elle-même. Ce que les rapporteurs jugent « inefficace ». Ils recommandent la mise en place d’un registre national « permettant la coordination et la gestion des donneurs ».

 

Avec ce dernier rapport, les consultations de la loi de bioéthique s’achèvent. Le projet de loi devrait être prochainement présenté. Son contenu validera en partie bien des « innovations » qui, si elles font état des avancées de la science, risquent d’être en contradiction avec le respect dû à tout être humain dès la conception, ajoutant de la confusion à la confusion.

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