Marchons enfants ! : “Beaucoup se sont sentis encouragés et regonflés par cette mobilisation impressionnante”

Publié le 10 Oct, 2019

Dimanche dernier, ils étaient 600 000 à manifester dans les rues de Paris pour demander au gouvernement de retirer le projet de loi sur la PMA pour toutes (cf. Ils ont manifesté contre la “PMA pour toutes”). Olivia Sarton, ancien avocat au Barreau de Paris et membre des Juristes pour l’Enfance, répond aux questions de Gènéthique sur les enjeux de cette manifestation.

 

Gènéthique : 600 000 manifestants selon les organisateurs, 42000 selon la préfecture de police, la guerre des chiffres a repris, que pensez-vous de la mobilisation de dimanche dernier ?

 

Olivia Sarton : Le 6 octobre a montré que les français n’étaient pas découragés, qu’ils considéraient que la bataille n’était pas perdue d’avance, et qu’il était important de se mobiliser pour encore faire entendre leur voix aux élus et à la nation. D’ailleurs, le lendemain de la manifestation, deux mesures importantes ont été adoptées par l’Assemblée Nationale : l’une mettant fin au « bébé-médicament », l’autre s’opposant au diagnostic préimplantatoire pour la trisomie 21. Nul doute que les députés ont été encouragés par le mouvement de la veille et se sont sentis soutenus pour combattre les mesures proposées.

Parmi les participants, beaucoup se sont sentis encouragés et regonflés par cette mobilisation impressionnante. Et ceux qui n’avaient pas pu ou pas voulu se déplacer, sont désormais motivés pour une prochaine fois !

 

G : Vous faites partie du collectif de 21 organisations qui ont mis sur pied cette manifestation, quel est votre objectif ?

 

OS : Notre objectif premier est que les parlementaires prennent conscience des errements qu’une partie des dispositions contenues dans ce projet de loi va entraîner et qu’ils y renoncent.

Les 21 associations du collectif Marchons Enfants doivent faire le bilan et décider ensemble de la suite mais nous sommes tous tendus vers le même but, chacun selon nos sensibilités et nos expertises propres. Le Collectif a annoncé lors de la marche qu’il allait demander à être reçu par le Président de la République, c’est en cours.

Ensuite, à chaque personne de prendre des initiatives locales et personnelles, car tout ne peut pas reposer sur les représentants des associations, c’est un travail de fond et de grande ampleur dans lequel la contribution de chacun compte. 

 

G : Qui sont les manifestants qui défilaient hier ?

 

OS : Nous avons retrouvé une partie bien sûr de ceux qui ont défilé au moment du vote du mariage pour tous, puisqu’à l’époque ils manifestaient déjà pour protester contre les dérèglements à venir que nous retrouvons aujourd’hui dans le projet de loi bioéthique.

Nous n’avons pas eu, à titre personnel, l’occasion d’interroger beaucoup de manifestants ; mais on a pu voir des tendances diverses de la population française : provinciaux et parisiens, représentant diverses catégories socio-professionnelles, sympathisants ou adhérents du mouvement Les Poissons Roses, français de confession musulmane…

Nous avons du mal à mobiliser les personnes de tous bords qui pourtant sont profondément en désaccord par les mesures adoptées par la représentation nationale. Elles ne veulent pas participer à notre mouvement, notamment par peur d’être stigmatisées, puisque les médias persistent à nous désigner comme extrémistes homophobes, ce que nous sommes très loin d’être.

 

G : Que demandent-ils ? Quels sont les enjeux ?

 

OS : Nous entendons des gens dire : « nos parents n’ont rien fait lorsque la loi sur l’avortement a été adoptée, de manière générale et sur d’autres sujets, ils ont laissé faire. Nous voulons pouvoir dire à nos enfants que nous avons fait ce que nous avons pu ». C’est déjà quelque chose d’important. Les français ont conscience qu’ils doivent devenir acteurs de l’avenir de notre pays, et plus largement de notre humanité. Ils ont également conscience que les mesures adoptées sont des marches, des cliquets pour des bouleversements sociétaux encore plus tragiques. Ils ne veulent pas du diktat imposé par le grand marché de l’humain : GPA, transhumanisme etc…

L’enjeu est, comme le rappelle la philosophe Bérénice Levet, de défendre notre anthropologie comme un modèle valable pour tous les temps, quels que soient les développements de la science, développements qui ne sont pas nécessairement des avancées ou des progrès.

 

G : Pensez-vous que le combat contre la PMA pour toutes soit perdu d’avance ? Pourquoi ?

 

OS : Tant que la guerre n’est pas terminée, elle n’est pas perdue. Nous refusons de nous montrer défaitistes et de nous arrêter là. Charles Péguy et sa petite fille espérance ont été cités lors de la manifestation du 6 octobre, et ce n’est pas pour rien.

Sur le plan juridique, il ne faut pas se voiler la face : le combat est très difficile. Nous assistons à un détournement du droit : le droit objectif est congédié au profit d’un droit compassionnel, victimaire. Ce droit s’élabore en commençant par créer chez des hommes, des femmes, des désirs mimétiques impossibles à satisfaire, comme par exemple vouloir procréer seul. Une fois ces désirs aiguisés, on analyse leur absence de réalisation en souffrance intolérable. Puis on confère aux personnes qui ne peuvent pas les réaliser, un statut de victime. L’enjeu des débats va se focaliser ensuite sur la recherche de la victime et de sa souffrance et la réparation que la société doit lui accorder. « Cette obsession victimaire », selon l’expression de René Girard, devient pathologique, biaise les raisonnements et fonde l’injustice : « à partir du moment où le souci victimaire s’universalise dans l’abstrait et se transforme en impératif absolu, il devient lui-même un instrument d’injustice » (René Girard).

On le voit bien aujourd’hui concrètement autour de nous : sans cesse, on nous oppose des situations singulières fondées sur le pathos, qui faussent tout raisonnement. Et n’oublions pas les enjeux financiers colossaux derrière ce projet de loi !

 

G : Quelles sont les prochaines perspectives ?

 

OS : Nous y réfléchissons ! Il est encore un peu tôt pour annoncer le contenu de nouvelles actions, nous y travaillons !

 

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