Le généticien et professeur de philosophie Bernard Marie Dupont, explique aujourd’hui dans le quotidien "Libération" l’évolution de la notion de "mort cérébrale".
En 1959, deux médecins français, Mollaret et Goulon, introduisent pour la première fois dans la littérature médicale mondiale la définition de mort cérébrale bouleversant la règle de la triple unité, c’est à dire : le lieu, le temps et l’action.
Le lieu : il s’agit d’un double changement. Tout d’abord la médecine se déplace progressivement du domicile vers l’hôpital (aujourd’hui 75 % de la population meurt en institution spécialisée). Le second changement de lieu est introduit par la définition de la mort cérébrale qui se substitue à la mort cardio-vasculaire. C’est aujourd’hui le cerveau et le tronc cérébral qui annoncent la mort de la personne et non plus l’arrêt du coeur.
Le temps : les progrès de la réanimation permettent de pallier des insuffisances du corps humain. Il est devenu possible de maintenir en état de fonctionnement biologique des êtres humains dont le cerveau est irrémédiablement détruit. Il se développe également une multitude d’états intermédiaires, de comas, de paralysies plus ou moins complètes, avant la mort.
L’action : le malade libéré pour un temps de la mort, mais paralysé pour le temps qui lui reste, devient par la réanimation un "sans domicile fixe". Se pose alors la question de la mort par délégation (aide à mourir, suicide assisté, médicalement ou non), donc celle de l’euthanasie. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller ? Y-a-t’il un droit à la mort ? Le but de la réanimation est -il d’agir à tout prix, quel que soit le coût humain ?
Dernier symbole inquiétant, Vincent Humbert n’était pas malade mais polyhandicapé, il est mort l’année du handicap…
Libération 13/01/04