Johann Roduit[1], du Centre d’Humanités Médicales de l’Université de Zurich, explique dans une tribune assister à « une individualisation des responsabilités et à une diminution de la solidarité entre individus ». Malheureusement ajoute-t-il, « ce qui fait la force de l’humanité, c’est sa capacité à coopérer » (cf. Edgar Morin : “Si nous ne nous inquiétons pas du pouvoir des robots sur nous, c’est nous qui deviendrons des robots”).
Le docteur en droit souligne que « le culte de l’Homme fort » a refait son apparition dans nos sociétés, mais qu’il se voit confronté à meilleur et plus fort que lui par « l’Homme augmenté ». En effet, face à ce dernier, il « redevient fragile comme chacun d’entre nous » (cf. Serge Tisseron : “Les gens vont finir par exiger des autres humains qu’ils se comportent comme des robots”).
Mais prendre conscience de cette fragilité partagée, loin d’être un problème, est une « opportunité formidable » pour repenser la société en termes de solidarité, précise le chercheur : « L’adage ‘l’union fait la force’ n’a jamais été aussi vrai qu’en ces temps où la technologie est de plus en plus souvent pressentie pour pallier nos faiblesses biologiques ».
Taxant la course à l’augmentation technologique de l’être humain de « course sans fin », le chercheur assure qu’il existe une alternative à ces améliorations technologiques : « Prendre conscience de notre fragilité commune pourrait bien nous conduire à repenser notre besoin d’être solidaire les uns avec les autres. Nous pourrions utiliser la conscience de notre fragilité partagée pour nous unir » (cf. Le transhumanisme « repousse la possibilité d’une vie authentiquement humaine »).
John Roduit conclue : « Réjouissons-nous des progrès de la médecine qui nous aident à diminuer nos souffrances et nos douleurs, à augmenter la durée et la qualité de nos vies », ajoutant que toutefois, « notre fragilité humaine n’est pas près d’être balayée par la technologie. Elle est là pour rester. Et c’est en s’unissant, en étant solidaire, que nous continuerons à prospérer » (cf. André Compte-Sponville : “la médecine ne va pas nous guérir de la finitude”).
[1] Docteur en droit et éthique biomédicale, Managing director du Centre d’Humanités Médicales de l’Université de Zurich. Membre du comité de la Société Suisse d’Ethique Biomédicale et cofondateur de NeoHumanitas, un « think tank » encourageant la réflexion sur les technologies émergentes.
Le Temps (Johann Roduit) 13/12/2016
Photo : Pixabay/DR