A la suite de Jean Leonetti, Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’université Paris Sud, est intervenu mardi lors de la journée d’échange sur les soins palliatifs à l’Université Paris Sud.
Les deux hommes ne se sont qu’« entrecroisés du regard », Emmanuel Hirsch expliquant qu’ils n’échangent plus aujourd’hui que par « presse interposée ». Les positions sont campées.
Ne disposant que du tiers du temps imparti à Jean Leonetti, Emmanuel Hirsch se limitera à interroger son auditoire, pour ne pas être « caricatural ». A partir des deux mesures de la PPL qui seront de nouveau au centre de la discussion, il pose plusieurs questions :
- « à quel point l’autonomie de la personne est elle respectée avec la sédation profonde et continue ? »
- La reconnaissance des droits de la personne telle que définie par la circulaire Laroque, signifie-t-elle « le droit à la sédation profonde et continue et le droit de rédiger des directives anticipées, quand on sait la difficulté de les rédiger ? »
- Quelle « solidarité » et quelle « cohésion sociale » dans cette nouvelle pratique ? « Mourir en société, n’est ce pas mieux que mourir sédaté ? »
- Plus loin encore, « où est la reconnaissance de l’autonomie des médecins à qui on refuse la clause de conscience ? »
Dans ces situations de fin de vie, « la vraie question fondamentale, c’est la question de la liberté », explique Emmanuel Hirsch. Or « quelle liberté pour la personne sédatée d’une manière profonde et continue ? » Il regrette le « drame » des discussions qui « abordent ces questions d’une manière trop superficielles, sans aller dans le fond ». Pour sa part, il appuie son intervention sur de nombreuses citations officielles : « Si les gens les avait un peu consultés, ils n’auraient pas été dans cette désinvolture par rapport aux rédactions qu’on aura de la prochaine législation », regrette-t-il.
Il ne prend pas de gants pour qualifier la proposition de loi Claeys Leonetti : un « désastre », un « gâchis », une loi « violente ». Il ne se fait plus d’illusions sur l’issue de la navette : la « commission mixte paritaire ne fera que valider ce qui a été fait par l’Assemblée Nationale ». Il déplore le vote « concerté » dans un « consensus mou » de la proposition 21 de François Hollande, sans « pousser le curseur trop haut pour ne pas créer une polémique inacceptable », et dans un flou qui « trompe tout le monde ». L’ « honnêteté » et la cohérence des politiques est mise en question. Pour lui cela ne fait aucun doute, c’est « une loi transitoire ».
C’est l’équilibre entre la « protection de la vie et le droit de la personne d’être soulagée » qui aurait du être préservé, pas un équilibre politicien qui est « insatisfaisant » pour tous. Il dénonce la position de la SFAP qui a signé « avec légèreté » son soutien à la PPL. « C’est une loi qui fragilise la société là ou on avait plutôt à renforcer un certain nombre de lignes de fond ! »
L’espace éthique d’Île de France proposera dans les prochains mois une formation approfondie à l’accompagnement pour les professionnels « qui seront confrontés de plus en plus à une demande d’euthanasie ». Car « la vraie actualité du soin pour vous, regrette Emmanuel Hirsch, va être la pratique de l’euthanasie, c’est à dire la pratique de la sédation profonde et continue », et la relation de soin sera à présent envisagée « d’une manière un peu différente : une relation avec des dormants, des endormis ! » Ce « nouveau concept français » est d’ailleurs sujet de dérision au delà de nos frontières.
Enfin, il propose d’« accompagner la vie des personnes » plutôt que de chercher à tout prix à les « accompagner à la mort ».