« Faut-il avoir peur de la médecine prédictive ? (…) Ouvre-t-elle la porte à l’eugénisme ou a des thérapeutiques personnalisées ? Sonne-t-elle le glas de la relation médecin-patient ? » Les médecins réunis lors du congrès de l’Ordre ont tenté de répondre à ces interrogations.
L’accessibilité aux tests génétiques via Internet rend ces questions plus pressantes. Mais la pression à la fois des patients qui mettent leur espoir dans ces tests et des firmes internationales qui y trouvent leur intérêt financier, ne doit pas faire oublier que ces tests « chamboulent le colloque singulier, la notion de consentement éclairé et le principe d’égalité dans l’accès aux soins ». La médecine prédictive ouvre la voie « aux stratégies de sélection des risques » que pourrait développer le monde assurantiel, et creuse les « inégalités entre ceux qui maîtrisent cette approche médicale et les autres ».
On trouve en vente sur internet un certain nombre de tests ADN qui « sont loin d’être l’alpha et l’omega de la médecine prédictive » qui se décline en :
- Tests de « diagnostic présymptomatique » qui détectent des mutations pour anticiper et prévenir des pathologies,
- Tests ciblés « évaluant la prédisposition à développer une maladie complexe dont on sait qu’un déterminant génétique est facteur de risque »,
- ou encore des tests permettant d’« adapter les traitements en fonction de la capacité d’un patient à les digérer ».
A côté de ces tests fiables et encadrés, d’autres « sont plus branlants scientifiquement et contestables sur le plan éthique ». Pour le Pr Verloes, chef du département de génétique médicale à l’hôpital Robert Debré (AP-HP), c’est le cas des tests en vente libre aux Etats Unis qui « n’ont aucune valeur scientifique et ne livrent qu’un risque relatif faible » (cf. Gènéthique du 22 octobre 2015).
L’anthropologue Sylvie Fainzang met en garde contre ces tests qui « bousculent un certains nombre de paradigmes ». La médecine prédictive « réduit l’homme à ses gènes, faisant fi des autres dimensions des maladies », alerte-t-elle. L’homme devient alors un « tout biologique », un « homme machine » en face duquel « le médecin risque fort d’être réduit à un mécanicien ».
Le philosophe Pierre Coz estime quant à lui que « pour l’heure, les lois de bioéthiques font office de garde-fous ». Cependant « avant d’aller vers des êtres génétiquement modifiés, il faut un consortium pour nous empêcher de faire tout ce qui est techniquement possible ».
Le Quotidien du Médecin (5/11/2015)