La Cour européenne des Droits de l’Homme ne protège pas la vie du foetus

Publié le 30 Juin, 2004

L’adoption de la loi dépénalisant l’euthanasie en Belgique coïncide avec le très important arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme dans l’affaire Pretty contre Royaume-Uni (29 avril 2002). La requérante, âgée de 43 ans, atteinte d’une sclérose latérale amyotrophique au stade terminal souhaite mettre fin à ses jours. Etant complètement paralysée, elle a obtenu de son mari la promesse d’une aide au suicide. Or, cette aide tombe sous le coup de la loi pénale anglaise. Mme Pretty a demandé une dérogation qui lui a été refusée. Elle se tourne alors vers la Cour européenne des Droits de l’Homme, estimant que la loi anglaise enfreint notamment (et principalement) les articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion), et 14 (non-discrimination). La pointe de son argumentation touchait les articles 2 et 3, lesquels font partie du noyau dur des droits de l’Homme (qui ne peuvent faire l’objet d’aucune dérogation). Nous discuterons ici uniquement la réponse de la Cour à la violation alléguée de l’article 2.

 

Mme Pretty soutient que cette disposition « garantirait non seulement le droit à la vie, mais également le droit de choisir de continuer ou de cesser de vivre ». En d’autres termes, l’article 2 ne consacrerait pas seulement un droit positif (le droit à la vie), mais il inclurait également un droit négatif (celui de refuser de vivre). La Cour répond en rappelant que « parmi les dispositions de la Convention qu’elle juge primordiales, {elle}, dans sa jurisprudence, accorde la prééminence à l’article 2. ».

 

En effet, « l’article 2 protège le droit à la vie, sans lequel la jouissance de l’un quelconque des autres droits et libertés garantis par la Convention serait illusoire ». Dans toute sa jurisprudence, la Cour a toujours mis l’accent sur l’obligation pour l’Etat de protéger la vie. Le caractère absolu de cet article est ensuite rappelé : « Il n’a aucun rapport avec les questions concernant la qualité de la vie ou ce qu’une personne choisit de faire de sa vie ». De manière très intéressante, la Cour s’est appuyée sur la Résolution 1418 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, laquelle s’inscrit dans la logique et les objectifs fondamentaux de la Convention de Sauvegarde des Droits et des Libertés fondamentales : « L’Assemblée recommande (…) au Comité des Ministres d’encourager les Etats membres du Conseil de l’Europe à respecter et à protéger la dignité des malades incurables et des mourants à tous égards : (…) en maintenant l’interdiction absolue de mettre intentionnellement fin à la vie des malades incurables et des mourants :

 

– vu que le droit à la vie, notamment en ce qui concerne les malades incurables et les mourants, est garanti par les Etats membres, conformément à l’article 2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme qui dispose que « la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement » ;

– vu que le désir de mourir exprimé par un malade incurable ou un mourant ne peut jamais constituer un fondement juridique à sa mort de la main d’un tiers ;

– vu que le désir de mourir exprimé par un malade incurable ne peut en soi servir de justification légale à l’exécution d’actions destinées à entraîner la mort. La Résolution 1418 fait ainsi son entrée dans la jurisprudence européenne.

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