La Convention citoyenne dans la dernière ligne droite

20 Mar, 2023

La Convention citoyenne s’est à nouveau réunie le week-end dernier. Lors de cette 8ème session, les conventionnels ont eu à travailler sur les « modèles d’accompagnement » de fin de vie – comprendre euthanasie et/ou suicide assisté – associés à différentes conditions. Et à voter plus de cent propositions.

Une position confirmée en faveur de l’« aide active à mourir »

75,6% des conventionnels ont indiqué être favorables à l’« aide active à mourir ». Pour 65% d’entre eux, pas « sans condition ». Le début des votes est houleux : « elle ne veut rien dire cette question, qui veut une ouverture sans condition ? ». Une participante s’agace. D’autres le feront aussi quand ils seront interrogés sur le suicide assisté de personnes inconscientes. Impossible par définition pour un acte qui doit être effectué par la personne elle-même. La proposition sera pourtant votée [1].

Les citoyens ne rejettent aucune option : 39,9% se prononcent pour le suicide assisté et l’euthanasie, ils sont 28,2% à préférer que l’euthanasie ne puisse être qu’une « exception ». Après ce vote sur le principe général, on leur demande de se prononcer sur 119 propositions. La lassitude se fera sentir.

L’euthanasie dans le parcours de soin ?

Seules les propositions ayant recueilli plus de 50% des voix seront conservées. Parmi elles, « proposer l’aide active à mourir comme une solution inscrite dans le cadre d’un parcours d’accompagnement et de soin global à coordonner notamment avec le parcours de soins palliatifs ». Donner la mort, serait-ce accompagner ? Serait-ce soigner ? (cf. Fin de vie : un lexique qui anticipe ?) Malgré différentes demandes, et l’offre de la SFAP, les conventionnels n’ont pas pu se rendre dans des services de soins palliatifs. Là où on accompagne, là où on prend soin.

Les citoyens se prononcent aussi en faveur d’un délai de réflexion et d’une clause de conscience. A minima toutefois, le praticien objecteur devra rediriger le demandeur vers un confrère qui ne l’est pas (cf. L’Association médicale mondiale renouvelle son refus de l’euthanasie).

Ils rentrent également dans le détail : pré-demande, accompagnement et information des proches, évaluation du discernement. L’idée est de proposer un « parcours » jusqu’à la mort. Dont le patient sera informé via son compte Ameli.

Quelques garde-fous

Résidu de méfiance ? Auraient-ils pris la mesure de la multiplication des dérives chez nos voisins ? Les conventionnels demandent en majorité à ce que l’euthanasie ou le suicide assisté ne soient proposés qu’en « dernier recours, une fois que toutes les options ont été testées et ont échoué ».

Ils ne se contentent pas non plus d’un contrôle a posteriori, mais demandent à ce qu’une commission de contrôle a priori, « dès l’expression de la demande et tout au long du processus », soit mise en place. Ils votent aussi pour que la délivrance du produit létal soit subordonnée à la validation des critères d’accès à la procédure. Pourrait-il en être autrement ?

Vers un « modèle » libéral ?

Les conventionnels ont ensuite dû noter pas moins de 19 « modèles d’accompagnement ». L’objectif du CESE : introduire les nuances exprimées au sein des participants. Mais le procédé est discuté. En effet, le vote « je suis opposé à l’aide active à mourir » et l’abstention, qui correspondent à des notes « zéro », n’entrent pas en compte dans la moyenne pondérée finale. Certains se demandent pourquoi voter…

Difficiles de discriminer entre des moyennes finalement serrées. Mais les conventionnels semblent favorables à l’euthanasie des personnes en « état végétatif définitif », et à l’euthanasie et au suicide assisté des personnes « dont le pronostic vital est engagé à court terme ou moyen terme et/ou présentant des douleurs réfractaires et incurables ». Que ces souffrances soient physiques ou psychiques, qu’elles soient conscientes ou non – ce que le CESE indique par « discernement direct ou indirect »[2]. Et quel que soit leur âge. Ce « modèle » recevra la moyenne de 3,76 [3]. Très proche, avec une note de 3,72, celui qui envisage l’euthanasie ou le suicide assisté en cas de souffrances réfractaires, physiques, psychiques ou « existentielles ». Cette fois sans mention de pronostic vital engagé, et toujours en revanche sans critère de discernement ni d’âge. Les modèles préférant une « exception d’euthanasie » recueillent de meilleures notes : 3,86. Celui qui semble obtenir la faveur des conventionnels, avec une note de 3,92, réserve le suicide assisté aux personnes majeures et privilégie le consentement direct.

« Toutes les nuances d’opinions qui traversent la Convention seront conservées et restituées dans le document final », promet le CESE. Le week-end prochain, quelques jours après la présentation du rapport de la mission parlementaire d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti à la Commission des affaires sociales, ils adopteront le livrable final. La balle sera alors dans le camp du gouvernement.

 

[1] A 57,8%, ils sont pour la proposition 4 : « en cas d’inconscience ou d’incapacité à s’exprimer, une demande peut être émise via la personne de confiance ou l’examen des directives anticipées ».

[2] En cas de « discernement indirect », il doit être fait recours à la personne de confiance ou aux directives anticipées.

[3] Les modèles sont notés de 1 à 5 points par chaque conventionnel.

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