Libération revient sur l’encyclique Humanae Vitae sur le "devoir de transmettre la vie humaine", publiée le 25 juillet 1968 par le pape Paul VI. En rappelant la position traditionnelle de l’Eglise sur la contraception, Paul VI crée une polémique, au sein même de l’Eglise, alors que souffle "le vent libertaire de 68 et de la révolution sexuelle".
Spécialiste de l’histoire contemporaine de l’Eglise et professeur à l’université Sapienza de Rome, Emma Fattorini analyse les conséquences de cette encyclique dans le monde catholique. Si, à l’époque, Humanae Vitae a causé une "désorientation des fidèles, une division de la hiérarchie, un isolement du pape et une grande amertume dans les franges les plus modernistes de l’intelligentsia catholique", aujourd’hui, le regard porté sur ce document a quelque peu évolué. Pour elle, Humanae Vitae a quelque chose de "prophétique" : Paul VI "a eu l’intuition qu’en dissociant complètement la sexualité de la reproduction, on créait les bases pour des transformations anthropologiques irréversibles". Transformations positives pour certaines comme la "libération de la femme qui peut enfin disposer pleinement de son corps" mais aussi négatives comme les manipulations génétiques et la marchandisation du corps.
"Cet appel au respect des lois naturelles et à la tradition qui fondaient Humanae Vitae est mieux compris non seulement dans le monde catholique, mais aussi parmi les féministes ou les écologistes inquiets des excès scientistes", conclut-elle. Ecrivain et homme de gauche, Maurice Clavel soulignait déjà à l’époque la portée d’un document en avance sur son temps : "le pape a frappé un très grand coup historique. Il a senti combien ces trucs de joie-programme appartenaient à une société de consommation et à une société aliénante. Il prend date pour un avenir lointain, peut-être pas tellement, tandis que jusqu’ici les activités humanistes du concile s’essoufflent derrière le monde bourgeois technocratique et s’apprêtent à le rejoindre en abîme".
Libération (Marc Semo) 25/04/08