GPA en Ukraine : « On n’encadre pas un acte de disposition d’un enfant, on l’interdit et on le sanctionne »

Publié le 21 Fév, 2018

Derrière la vision idyllique de la GPA que servent les médias, se cachent des réalités sociales qu’il convient de ne pas occulter comme le rappelle Grégor Puppinck[1] : « Les jeunes femmes pauvres sont souvent la cible de ceux qui ont les moyens de les exploiter ». Cette exploitation de la pauvreté des femmes n’est pas nouvelle : prostitution, mariages arrangés, etc, mais elle trouve en la GPA un nouveau mode d’expression, fondé l’égoïsme occidental.

 

Ces femmes ne sont pas toujours consentantes, explique Aude Mirkovic[2], « parfois contraintes par des mafias à porter des enfants que ceux qui les exploitent vendent aux clients ». Ni vraiment libres : il existe même des « fermes à bébés » où les gestatrices sont retenues pour surveillance. Si certaines s’engagent par contrat, celui-ci n’en reste pas moins contraire à la dignité humaine : un contrat pour « planifier un abandon en vue d’un achat d’enfant », même financé par le père biologique, même enrobé d’amour, de bons sentiments et de belles photos, demeure un contrat dont un enfant fait l’objet.

 

En pratique, ce business est très facile à mettre en place : la technologie nécessaire est basique (prélèvement d’ovocytes et de sperme, FIV) et la demande est forte. Les entreprises de GPA étant transnationales, elles « vont pouvoir se déplacer d’un pays à l’autre en fonction des législations ». Dans des pays pauvres comme la Roumanie, la GPA est officiellement illégale, mais largement tolérée car très lucrative…

 

Les commanditaires ont accès à des catalogues pour choisir les prestations diverses, la mère porteuse, les deux donneurs de gamètes (couleur de peau, santé, QI, diplômes etc.), ainsi que les assurances (handicap, décès, souci génétique, litige avec la mère etc.). L’entreprise se charge ensuite de fabriquer l’embryon, surveiller la grossesse et remettre l’enfant à ses acheteurs. « Au final cela revient toujours à fabriquer et vendre un enfant ». Il faut aussi organiser l’« entremise en vue de la GPA », illégale en France, mais non sanctionnée : « En France vous pouvez vendre des enfants en toute impunité, mais interdiction d’arnaquer les acheteurs », s’indigne Aude Mirkovic, en faisant référence à cette femme condamnée l’année dernière non pour ses GPA, mais pour avoir simulé des fausses couches…

 

Existerait-il alors une GPA « éthique » bien encadrée et bien rémunérée ? Non, martèle Grégor Puppinck : « Ce n’est pas parce que vous payez plus quelqu’un que l’acte change de nature ». Aude Mirkovic va plus loin, comparant GPA éthique et esclavage éthique, un esclavage qui serait encadré pour éviter aux «esclaves d’être trop maltraités par leurs maîtres » par exemple… Quand une pratique est contraire à la dignité humaine, il n’y a pas d’encadrement qui vaille. « On ne peut vendre ou donner que ce qui nous… appartient » : l’adulte qui dispose par contrat d’un enfant et de sa filiation agit en « propriétaire » et cela fait de l’enfant un « objet ». Quelles que soient les modalités, c’est intrinsèquement contraire à la dignité humaine. « On n’encadre pas un acte de disposition d’un enfant, on l’interdit et on le sanctionne. (…) GPA éthique, cela ne veut rien dire, il y a une contradiction dans les termes », conclut l’avocate.

 

[1]Grégor Puppinck est un juriste, docteur en droit, directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ).

[2] Maître de conférence en droit privé, spécialiste du droit de la famille, Aude Mirkovic est porte-parole de l’association Juristes Pour l’Enfance (JPE).

 

Atlantico (20/02/2018)

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