Ce soir du jeudi 28 janvier, les intervenants du Forum européen de bioéthique : Dominique Mennesson, fondateur de l’association CLARA (en 2006) qui aide et soutient les couples infertiles, Martine Gross, ingénieur au CNRS, auteur de plusieurs ouvrages sur l’homoparentalité, Anne-Marie Leroyer, juriste, co-auteur du rapport sur la filiation, rapporteur de la mission Filiation, origines, parentalité, et Maud Nisand, avocate, se retrouvaient pour débattre du thème : « Porter l’enfant d’une autre : esclavage ou solidarité ? » A noter parmi cet aréopage, la présence de Nouzha Guessous, professeur de l’Université Hassan II de Casablanca, chercheur et consultante en droits humains et en bioéthique, venue spécialement défendre les femmes qui portent en Afrique ou en Asie, les bébés des couples européens infertiles d’Europe. Elle sera la seule à prendre clairement position contre la GPA.
Pour Dominique Mennesson, père de deux filles issues de GPA, la mère porteuse est « la femme qui assure le développement de l’embryon. La notion de mère biologique n’existe pas, c’est une femme qui partage le patrimoine génétique et biologique pendant la grossesse ». Le ton est donné et le début du débat tournera essentiellement autour de la reconnaissance de la filiation, parce que « la France ne reconnait pas les enfants nés par GPA »[1] et estime qu’il y a « fraude à la loi » comme l’explique Anne-Marie Leroyer. Martine Gross déplore que la loi française ne permette pas, pour les couples homosexuels, la reconnaissance du 2e père parce que « l’acte biologique ne correspond pas à l’acte de naissance ».
Quand Nouzha Guessous prend la parole, elle interroge : « Est-ce que ces techniques sont acceptées et acceptables culturellement et éthiquement ? » Un peu plus tard, après avoir souligné la grande tentation que constitue la GPA pour des jeunes femmes vulnérables, elle explique : « Si la GPA est autorisée dans les pays européens, il faut que les mères porteuses le soient aussi ! »
Anne-Marie Leroyer pose la question du consentement, condition d’un acte qui suppose la liberté de la personne. Nouzha Guessous réagit : « Le consentement, c’est un idéal ! Il est possible de l’obtenir de façon plus ou moins éthique selon les conditions. La question de la GPA est une simple question de business et d’argent » Et elle insiste : « Quel suivi existe-t-il ensuite pour les volontaires ? » Plus tard, elle s’indigne : « Avec la GPA, on enlève une précarité économique, mais on la remplace par une stigmatisation de l’enfant dans sa famille d’accueil ».
Dans les interventions qui suivront les prises de positions, la salle regrettera souvent la partialité des débats, un discours à sens unique, exaltant la GPA comme étant un accès normal à la maternité. Une femme estime que « la GPA éthique est une illusion ». Une sage femme interroge : « Que se passe-t-il quand la grossesse de la mère porteuse se passe mal ? Est-ce qu’elle se rend compte des risques qu’elle prend ? » Dominique Mennesson lui répond qu’en cas de souci de santé, c’est « elle qui prendra les décisions ». Seule ?
En clôture des débats, Nouzha Guessous estime que « la réflexion juridique ne peut plus s’élaborer en Europe uniquement à partir de critères nationaux, mais qu’elle doit être globale. Dans cette réflexion juridique, on ne peut pas avoir des valeurs chez soi et passer outre quand on va chercher des mères porteuses ». Elle termine sur une phrase prononcée par Israël Nisand en début de Forum : « Quand tout est possible, à quoi peut-on encore s’accrocher pour faire sens ? »
[1] Note Gènéthique : La France refuse la transcription à l’état civil français des actes de naissance d’enfants nés par GPA. Pour aller plus loin : GPA : La décision du TGI de Nantes suscite l’indignation et GPA : Lettre ouverte des Juristes pour l’enfance au procureur général.