Les propositions du ministre de la justice
Le 27 avril dernier, le ministre de la justice s’est prononcé devant la mission d’information parlementaire sur la « fin de vie » pour une modification de l’article 37 du code de déontologie médicale. Cet article stipule qu’« en toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement, éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations et la thérapeutique » mais le code pénal réprime sans distinction le fait de donner la mort à autrui. Ainsi des actes qui, mettant fin à l’acharnement thérapeutique, hâtent le décès (débranchement d’un appareil qui maintient le patient en état de vie artificielle, administration de fortes doses de sédatifs pour limiter la douleur…) peuvent être punis par la loi.
Pour Dominique Perben, l’article 37 n’est pas suffisamment clair et libérant pour que le médecin s’abstienne de soins disproportionnés à une situation et propose une antalgie suffisante en situation de fin de vie. La nouvelle rédaction devrait autoriser sans ambiguïté les médecins à limiter ou arrêter des traitements devenus inutiles. La section « éthique et déontologie » du Conseil national de l’Ordre des médecins est chargée de rédiger une nouvelle version de l’article 37 qui sera proposée au Conseil d’Etat avant de faire l’objet d’un décret.
La réalité clinique sur le terrain
Même s’il y a eu des progrès incontestables, la réalité clinique de terrain est là pour le confirmer : nombre de médecins ne savent pas encore s’arrêter quand il le faut ou n’osent pas donner un traitement anti-douleur suffisant par crainte de hâter l’heure du décès. Pourtant, tous les milieux éthiques et palliatifs, s’accordent à penser que si un traitement contre la douleur est donné à dose proportionnée à l’intensité de la douleur, il est légitime, même si celui-ci doit avoir pour effet secondaire non voulu de provoquer le décès. C’est la règle du double effet. Il n’y a pas ici d’euthanasie, car il n’y a pas intention de tuer, mais seulement de soulager.
Cela étant dit, dans certaines pratiques médicales non conformes à l’éthique des soins palliatifs, les antalgiques sont donnés en excès dans l’intention, consciente ou inconsciente, d’accélérer le processus de la mort : il y a ici un acte euthanasique en raison de l’intention sous-jacente de provoquer le décès. Nombre de situations difficiles et mal vécues par des équipes soignantes en souffrance peuvent conduire à cet état de fait.
Il y a donc ici un discernement à opérer entre ces deux attitudes qui sont nettement différentes sur le plan éthique. Celui-ci s’appuie sur l’analyse des intentions et sur des règles simples de bonnes pratiques dans l’utilisation des antalgiques.
Formation des médecins plutôt que modification du code de déontologie
Pour en revenir au code de déontologie médicale, l’article 37 est parfaitement clair sur ce qui est attendu du médecin ; il n’y a donc pas lieu de le modifier. En revanche, la question qui se pose est celle de la connaissance du code de déontologie médicale… Dans le cadre des études, nombre de médecins, n’ont pas étudié de manière systématique ce code qui n’est remis que lors de l’inscription au conseil de l’ordre, c’est à dire une fois la formation achevée… Rares sont les médecins qui en connaissent réellement le contenu et notamment celui de l’article 37 : c’est en faisant des formations en soins palliatifs que cet article est cité et pour beaucoup, c’est une découverte !
On dit : « nul n’est censé ignorer la loi », certes… Mais lorsqu’un cadre de bonnes pratiques n’est pas appliqué, la meilleure politique pour transformer les habitudes, est sans doute d’en donner connaissance…
Plutôt qu’une modification du texte, ne pourrait-on proposer un module de « déontologie médicale » intégré aux études, par exemple en 6ème année de médecine ? Une telle formation à la veille de l’exercice de cette profession serait beaucoup plus efficace et structurante pour les médecins que n’importe quelle modification du code de déontologie ! Pourquoi pas non plus des enseignements post-universitaires accessibles aux médecins hospitaliers et aux médecins libéraux ? Tous les moyens de formation semblent en la matière bien préférables aux écrits qui restent s’empoussiérer au fond d’une bibliothèque… Le code de déontologie médicale mérite plus que cela !