Danielle Moyse, chercheur associée au Centre d’études des mouvements sociaux, analyse la notion de « dignité humaine » dans l’histoire. Car il a fallu de nombreuses "luttes" pour que soit reconnu que "le statut d’un être humain n’est pas toujours relatif à ses talents, mais bien souvent aux seuls hasards de la naissance". La notion de "dignité de la personne" s’est imposée grâce à "des esprits d’avant garde", à "une véritable révolution". Le sens de la dignité humaine ne va pas sans le sens de la justice qui "impose l’égale reconnaissance de la dignité de tous".
Alors que les philosophes se sont appuyés sur la science pour démontrer l’origine de notre dignité, c’est d’une "science dévoyée" qu’est née la classification des vies humaines. Avant le nazisme, s’étaient déjà constituées des « chaires de raciologies », des « sociétés d’eugéniques », c’est à dire "de redoutables machines à déshumaniser". C’est dans ce climat favorable que le nazisme a pu déclarer publiquement que certaines vies n’avaient pas de valeur ou étaient "indignes d’être vécues".
Après cette "catastrophe", le premier article de la Déclaration universelle des droits de l’homme votée en 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies affirme que "tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits".
Et pourtant, remarque Danielle Moyse, la dignité de la personne est de nos jours battue en brèche notamment dans le débat sur l’euthanasie. On entend parler de "l’indignité de la vie de certains malades", on nous explique que "mourir dans la dignité" c’est mourir exempt de maladie ou d’handicaps : n’est-ce pas "le risque d’une régression philosophique et humaine redoutable" ? Concentrer l’indignité sur les altérations du corps, "n’est ce pas faire insulte à ceux qui en sont atteints" ?
En conclusion, Danielle Moyse montre que "la vie peut devenir insupportable, sans pour autant devenir indigne".
La Croix (Danielle Moyse) 20/06/06