Jean-Loup Clément, psychologue au Centre d’étude et de conservation des oeufs et du sperme humain (Cecos), publie un livre de témoignages d’enfants nés par insémination artificielle avec donneur anonyme (IAD) intitulé Mon père, c’est mon père
. C’est la première fois qu’un tel ouvrage est réalisé car il est très difficile de recueillir de tels témoignages. Sur 50 000 enfants nés par IAD, on estime que 10 % à 15 % des parents en informent leurs enfants. Il a fallu 7 ans à J.L Clément pour réunir les témoignages de 21 personnes de 18 à 40 ans…
Ce livre relance la question de l’anonymat du don de gamètes. Pour J.L Clément, son travail "montre que l’anonymat du don de sperme est un système qui convient globalement aux enfants IAD" car "l’anonymat garantit un espace fondamental de liberté de pensée et de fantasmatisation, tant pour les enfants que pour les parents". L’anonymat est ainsi une protection.
Pour Laurence Camborieux, présidente de l’association Maia (pour les couples infertiles), l’anonymat pousse au secret car les parents ne savent pas à quel moment révéler à leur enfant son origine. La gynécologue Pauline Tiberghien, qui exerce dans un centre de procréation, explique qu’une levée de l’anonymat n’entraînerait pas forcément une "ruée des enfants vers leurs géniteurs" : "les IAD savent que leurs parents sont ceux qui les ont élevés. Ils veulent juste remplir le puzzle".
Félix, 28 ans, a été conçu avec le sperme d’un donneur anonyme et il l’a appris à 24 ans. Pour lui, "le secret est lourd à porter. On porte une honte sur soi. On sent qu’il y a des choses qu’il ne faut pas dire. On porte l’infertilité du père, sans le savoir". Il explique que maintenant il aimerait avoir accès aux origines de son géniteur pour savoir ce qu’il l’a conduit à un tel geste.
Il exprime aussi toutes les questions qui l’habitent sur sa conception : "quand je pense que j’ai été fait au fond d’une éprouvette, c’est assez vertigineux. Cela m’arrive de me dire : "Tiens cet homme que j’ai croisé c’est peut être lui". Ou quand je vois une fille dans la rue : "si ça se trouve c’est ma demi-soeur"". Aujourd’hui, il dit "avoir du mal à me projeter en tant que père. (…) Je me demande si je peux avoir un enfant. Et puis, il y aura une part de lui que je ne connais pas."
Mon père, c’est mon père, Ed. L’Harmattan, avril 2006.
Libération (Charlotte Rotman) 31/03/06 – Le Temps (Anna Lietti) 10/04/06