Etats généraux de la bioéthique : le CCNE ouvre le débat tous azimuts

Publié le 22 Déc, 2017

Alors que le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) met la dernière main à la préparation des Etats Généraux de la bioéthique, qui précèderont la révision de la loi, le Professeur Régis Aubry[1], membre du CCNE, a accepté de répondre aux questions de Gènéthique.

 

Gènéthique : Comment le CCNE organise-t-il les débats ?

Régis Aubry : Le CCNE va essentiellement s’appuyer sur les espaces de réflexion éthique de chaque région, mais également sur les Comité d’éthique des grandes instances scientifiques : INSERM, CNRS… Il prendra en compte l’évaluation de l’Agence de la biomédecine sur l’application des précédentes lois. Il veut aussi s’appuyer sur une dynamique citoyenne. Le Comité est en train de réfléchir à la création d’un « CCNE des citoyens », qui se tiendra pendant la période des Etats généraux. Le CCNE et les ERE vont tenter de recevoir toutes les associations de patients qui souhaiteraient apporter de l’eau au moulin de la réflexion. Une initiative qui sera possible via l’aménagement d’un site Internet spécifique du CCNE pour permettre des échanges et qui donneront lieu à des auditions du Comité et des Espaces éthiques.

 

G : Ce sont les associations qui en feront la demande ou bien les espaces éthiques et le CCNE qui les solliciteront ?

RA : On est en train de définir tout ça, mais ce sont les associations qui solliciteront le CCNE, qui demandera préalablement d’écrire ou de décrire les questions qu’ils se posent, ainsi que les propositions qu’ils souhaitent faire en les justifiant. Ils seront ensuite éventuellement invités à une audition.

 

G : Quels seront les thèmes abordés ?

RA : Le champ des débats publics dépasse ou dépassera très probablement le champ qui était traditionnellement celui des lois de bioéthiques. En gros, la question est encore en suspens et en discussion avec le gouvernement, mais très probablement, on invitera à des débats publics sur toutes les questions éthiques, et pas simplement bioéthiques. Toutes celles qui sont ou seraient susceptibles d’entrainer des modifications de la loi ou de politiques particulières. Des questions comme la fin de vie, l’Intelligence Artificielle, des questions autour des neurosciences pourront faire l’objet de ces débats.

 

G : Concrètement, comment les débats seront-ils proposés dans  les Espaces éthiques ?

RA : Les espaces éthiques ont été réunis à au moins 3 ou 4 reprises par le CCNE pour qu’ils assument une bonne partie du débat public. Ils ont été invités au cours de ces rencontres à se poser différentes questions : qu’est-ce que c’est qu’un débat public dans les faits ? Comment l’assurer ? Les conférences experts avec 2/3 questions à la fin ont été d’emblée exclues. Pour le CCNE, il est clair que les grandes questions éthiques sont des questions de nature politique et citoyenne. Il nous semble légitime d’arriver à débattre avec le grand public de ces questions qui peuvent engager des choix techniques scientifiques médicaux conséquents. Aussi, l’idée est plutôt de travailler avec de petits groupes et avec des méthodes de débat pour faire remonter les questions et propositions. Chaque espace éthique a été invité à penser une méthode pour contribuer à renforcer l’émergence de questions provenant vraiment du public, et non pas suggérées. Ils doivent se répartir les thèmes : du transhumanisme à la PMA, en passant par la fin de vie… Actuellement, la répartition des thèmes est pratiquement faite. Ce qui est prêt également, ce sont les méthodes d’organisation des débats. Ce qui reste à finaliser concerne les dates auxquelles ces débats auront lieu.

Enfin, quand on dit grand public, on prend en compte deux types de publics : le public actuel, la population avec des choix représentatifs de la population, et le public en devenir, les étudiants et les lycéens. Dans chaque espace éthique, il y aura des débats avec ces deux types de publics.

 

G : Quelle sera l’influence du rapport du CCNE, et donc de la participation citoyenne, sur l’élaboration du projet de loi ?

RA : C’est la grande question ! Dans quelle mesure le rapport établi à partir de ces échanges sera-t-il pris en compte ? Ce sera au gouvernement et aux parlementaires de le décider. Ce qui est sûr, c’est que le rapport sera entre toutes les mains.

A titre personnel, je serai vigilant à ce que tant d’énergie mise à faire fonctionner la démocratie, puisque notre mission est de représenter le public, soit prise en compte. Il ne faut pas forcément modifier la loi, mais il est important que toutes les orientations concernant les lois de bioéthiques qui seront débattues par les citoyens soient présentées et justifiées. On aimerait que ce rapport, qui devrait être prêt fin mai début juin, soit la base du travail parlementaire. Pour cette raison, j’ai tendance à penser que le débat parlementaire aura lieu à la toute fin de l’année 2018.

 

G : Quelle est la prochaine étape ?

RA : C’est l’annonce officielle des Etats généraux par le Président du CCNE, Jean-François Delfraissy. Elle se tiendra le 18 janvier prochaine et sera le coup d’envoi de 4 à 5 mois de débats publics à l’issue desquels le CCNE remettra son rapport.

 

 

[1] Le professeur Régis Aubry est responsable du département douleur/soins palliatifs et du service de gériatrie du CHRU de Besançon et Directeur de l”espace de réflexion éthique Bourgogne Franche-Comté.

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