Enfants dits « intersexes » : les dangers de la dépathologisation

Publié le 1 Juil, 2021

Le projet de loi bioéthique a abordé un thème peu médiatisé mais pas moins important : les enfants intersexes. De quoi s’agit-il ? Que se cache-t-il réellement derrière cette terminologie ? Ce terme cru, créé de toute pièce par certaines associations militantes, désigne en réalité les enfants présentant des troubles du développement génital. Ces mots révèlent un combat idéologique d’ampleur qui s’empare d’une situation médicale.

Les anomalies du développement génital

Ces enfants naissent avec des anomalies génétiques, chromosomiques ou anatomiques touchant leurs organes sexuels internes ou externes, qui peuvent entrainer des doutes sérieux sur l’identité sexuelle de l’enfant. Dans ces cas spécifiques, une opération chirurgicale est conseillée par le médecin pour pouvoir assigner ce dernier au sexe choisi par une équipe multidisciplinaire en lien avec les parents.  L’enfant présente également d’autres symptômes qu’il faut pouvoir soigner (risque d’infertilité, déshydratation, tumeur cancéreuse…), dans les cas les plus graves son pronostic vital peut être engagé.

Remise en cause et revendications

Face à une protection mondiale des droits de l’enfant, on constate un déni flagrant de la nature pathologique des anomalies du développement génital. En effet, on voit apparaitre une doctrine internationale qui remet en cause la prise en charge médicale de ces enfants. Ces derniers se trouvent ballotés au milieu de bouleversements et questionnements multiples qui reconsidèrent leur intérêt supérieur.

Ces revendications proviennent, à l’origine, d’un vent de contestation des victimes d’opérations invasives réalisées par la médecine de l’époque. Ces patients ont souffert de ces interventions ayant des conséquences graves irréversibles, aggravées par le manque de connaissance des praticiens d’alors. On comprend légitimement leur souhait d’être pris en considération dans leur mal être. Aujourd’hui, la prise en charge de ces personnes s’est nettement améliorée grâce à une centralisation des savoirs médicaux et scientifiques. Les progrès de la médecine sont considérables.

Ces revendications sont aujourd’hui portées par certains lobbys (principalement le lobby LGBTI) qui s’emparent de ces souffrances légitimes pour faire passer leur message sociétal. L’objectif sous-jacent est de sortir à tout prix de la binarité sexuelle, ancrée dans nos mœurs et notre système juridique. La reconnaissance d’un statut intermédiaire propre aux personnes intersexes, constituerait une troisième catégorie de genre. Pour l’heure, leur revendication n’a pas encore percé, la dichotomie masculin/féminin est la seule possible sur les registres de l’état civil français.

Amalgames et autodétermination de genre  

Leur stratégie consiste à dénoncer les actes chirurgicaux pratiqués sur l’enfant en les assimilant aux mutilations génitales féminines, actes de tortures strictement prohibés par les instances nationales et internationales. Les associations souhaitent attendre pour les opérations chirurgicales « non-nécessaires » que l’enfant donne son consentement pour être opéré, afin qu’il puisse lui-même choisir son propre genre. La nécessité d’opérer les enfants intersexes n’est plus considérée comme inhérente à l’anomalie mais comme une variation qui laisse place à une autodétermination.

Cette revendication a été intégrée dans la loi bioéthique 2021, à l’article 21 bis, en 1ere lecture à l’Assemblée nationale[1], par l’amendement n°2334. L’article prévoit une consultation de centres de référence des maladies rares du développement génital avant toute prise en charge médicale. Le consentement de l’enfant est sans cesse recherché lorsqu’il est apte à pouvoir le donner. Un rapport du Gouvernement sera remis au Parlement sur le constat des centres référencés par rapport à ces pathologies pouvant donner lieu à un débat.

La nécessité médicale – le soin de l’enfant
Faire reposer ce choix sur l’enfant pose des difficultés évidentes : l’innocence de son enfance est menacée. La responsabilité d’une identité ne doit pas peser sur ses épaules. Plus grave encore, le droit d’accès aux soins, droit international de l’enfant, est obstrué. Son état nécessite des soins primordiaux qui ne peuvent attendre un consentement, poids qui se rajoute à ses maux physiques et psychologiques déjà envahissants. Le gouvernement a pris position lors des débats sur le projet de loi bioéthique : Madame Agnès Buzyn, à l’époque ministre de la Santé et des Solidarités, recommandait de ne pas restreindre les opérations chirurgicales aux cas pour lesquels le pronostic vital serait engagé : « Ajoutons que votre amendement fait courir un risque important en réduisant la nécessité médicale au seul risque vital. Cela pourrait empêcher la réalisation d’actes médicaux tout à fait nécessaires avant l’âge du consentement, par exemple pour éviter une perte de chance fonctionnelle. Il est donc très important de laisser aux médecins le soin de définir ce qui relève ou non d’une nécessité médicale ».

Par application du principe de précaution, lorsqu’on ne connait pas les effets d’une absence de soin pour l’enfant dans l’attente d’études spécialisées, privilégions la prudence. L’enfant ne doit pas être privé de son accès aux soins, inhérent à sa santé et à son bien-être.

 

Cet article a été rédigé par Jeanne du Chouchet, juriste en droit privé, spécialisée dans les droits de l’enfant. Elle a écrit un mémoire sur « la prise en charge médicale des enfants présentant des anomalies du développement génital », travail encadré par l’association Juristes pour l’enfance.

[1] Projet de loi nº 343, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (assemblee-nationale.fr)

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