Afin de mieux comprendre le fonctionnement du génome humain, un projet scientifique, nommé ENCODE (Encyclopédia of DNA Elements) a donné lieu à la publication de 30 articles dans plusieurs revues scientifiques : Nature, Genome Biology et Genome Research. Ce projet a ainsi permis "d’éclair[er] une partie méconnue et pourtant importante de notre génome : celle qui ne fabrique pas de gènes et qu’on qualifiait de ‘poubelle’… ". L’objectif de ce projet, toujours en cours et faisant intervenir 440 chercheurs issus de pays différents, est "d’identifier tous les ‘éléments fonctionnels’ du génome humain" permettant ainsi d’ "offrir une base de donnée à la communauté scientifique".
Pour rappel, "l’ADN est une molécule présente au cœur de toutes nos cellules (dans le noyau). Son séquençage a révélé que nous avions environ 20 000 gènes […]. Ces gènes sont des morceaux d’ADN qui détiennent le ‘code’ permettant de fabriquer des protéines. Cette partie du génome – appelé ADN codant – ne représente que 1 à 2% de la totalité de l’ADN". C’est pour cela que dans les années 1970, le reste de l’ADN, l’ADN non codant, a été surnommé "ADN Poubelle". Mais les biologistes, partisans d’une approche réductionniste ("dans laquelle le vivant s’exprime à partir des gènes"), ont par la suite abandonné cette dénomination, "se rendant à l’évidence que beaucoup de choses importantes se passent dans ces 98% du génome"
Jean-Jacques Kupiec, chercheur à l’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) au centre Cavaillès de l’école normale supérieure à Paris, interviewé par Sylvestre Huet pour Libération explique : le séquençage du génome humain en 2000 est "certes [une information] précieuse" mais "n’a pas répondu aux espoirs initiaux d’une compréhension profonde du vivant, ni apporté de solution thérapeutiques à la plupart des maladies génétiques". Il ajoute : "l’ADN seul n’est rien, ou plutôt n’existe jamais isolément […]. L’ADN d’une cellule est toujours en interaction avec d’autres protéines".
C’est chose faite avec ENCODE. En effet, le projet a permis de "dresser une carte détaillée des fonctions du génome en identifiant plus de 4 millions d’ ‘interrupteurs’ génétique [et de découvrir] que contrairement à l’idée initial de l’ADN poubelle, […] 80,4% du génome a une fonction active dans la régulation de la production des protéines. Cette ADN, majoritaire, ne code pas directement pour des protéines mais est responsable de toute la complexité du génome, activant ou inhibant la production d’une protéine à un endroit donné". Cette carte va "aussi permettre de comprendre de nombreuses maladies, résultats de mutations génétiques dans des zones ne codant pas pour des gènes".
Pour Jean-Jacques Kupiec, "ENCODE est présenté comme une suite logique : après avoir séquencé les génomes, on allait comprendre comment la cellule interprète le génome, puisque la seule séquence ne fournissait pas de réponses à nos questions sur le vivant. […] Cela revient à affirmer que le niveau explicatif du vivant n’est pas celui des gènes mais celui de la cellule, prise comme un tout. On introduit ainsi une vision dite holiste [c’est-à-dire] où le tout commande la partie". Selon lui, la biologie a toujours fait l’objet d’une contradiction entre réductionnisme et holisme. Cette contradiction peut être dépassée par une troisième théorie, ni holiste ni réductionniste. Cette théorie "confère un rôle décisif aux phénomène aléatoires […] notamment dans l’expression des gènes […]. Elle est opposée à la vision déterministe qui fonde la notion de programme génétique".
Libération (Sylvestre Huet) 14/09/12 – BE Etats-Unis 302 14/09/12 – sciencesetavenir.nouvelobs.com (Cécile Dumas) 10/09/12